Du jazz jamaïcain, on connaît surtout certaines figures semi-légendaires qui émergèrent au début des années 1960 pour inventer le ska au sein des Skatalites : les Roland Alphonso, Don Drummond, Tommy McCook et autres Ernest Ranglin – La plupart anciens élèves de la fameuse Alpha School, une école catholique dont la Sœur Ignatius possédait une impressionnante discothèque jazz et inculqua aux adolescents de précieuses leçons d’harmonie. On retrouve sur cette anthologie leurs rarissimes premiers enregistrements ensemble, pré-Skatalites, au sein du Cecil Lloyd Group, en 1962. L’un des trésors de ces trois CD, qui devraient faire sortir de l’ombre des musiciens dont l’histoire a, injustement, oublié le nom. Ainsi du saxophoniste Joe Harriott, dont le vocabulaire et l’évolution n’avaient pas grand-chose à envier à ses homologues américains , d’une reprise de « Cherokee » à une autre de « Caravan » appuyée par des tambours, en passant par des flirts avec le free (Impression, Calypso Sketches). Même remarque pour le fantastique pianiste Cecil Lloyd, le trompettiste Dizzy Reece ou Count Ossie et ses tambours rasta qui préfigurèrent autant la vague afro-centriste que le ska. La premier CD remonte aux années 30 et aux groupes de mento, musique endémique qui donnerait une partie de sa couleur au jazz de l’île. Le long texte du compilateur Bruno Blum assume de vouloir redonner aux Antilles et à la Jamaïque la place qui leur échoit dans la naissance et le développement du jazz, arguments à l’appui, et livre des biographies détaillées de chaque protagoniste de cette anthologie essentielle, réunissant de nombreux enregistrements depuis longtemps introuvables.
Par Bertrand BOUARD – JAZZ MAGAZINE
Par Bertrand BOUARD – JAZZ MAGAZINE