« Du pur inédit » par Juke box Magazine

Dans la collection des grands concerts parisiens, Frémeaux, après un premier volume (1956-1960), revient sur le grand Henri Salvador. Au menu du pur inédit. Programme complémentaire à « Pour ceux qui le jazz » sur Europe N°1, présenté par Franck Ténot & Daniel Filipacchi, « Jazzons un peu » concourt aussi à promouvoir cette musique en France. Pour ce rendez-vous, Daniel sollicite son copain Henri, selon un principe simple ; il lui donne un texte, écrit par ses soins (signé Mario Filippaki) ou connu, que le chanteur-guitariste met en musique sur un thème de jazz connu ou de blues ad hoc. La première a lieu le 14 avril 1958 à 21h35, enregistrée la semaine précédente, avec notamment Mackac, Moustache (batteries), Pierre Michelot (basse), Barney Wilen (saxo ténor), Benny Vasseur (trombone). Dans la faconde jazz de l’improvisation (qui peut virer à la déconne) et selon la faculté supposée de certains artistes à « pouvoir chanter le Bottin », le résultat est tordant, jubilatoire, unique. Il faut dire que Henri Salvador est à la fois guitariste émérite, chanteur à la voix d’or, et ce au service de plusieurs registres dont celui, champion, de comique-parodier. Cela démarre sérieusement par l’illustre « Count Basie » (« Little Darlin’ » de Neil Hefti), assez proche de la version disque de 1963, si ce n’est un solo parlé et sifflé. Puis « J’Suis Un Feignant » (« After Supper », Neal Hefti), sur une thématique chère à Henri Salvador… lui à ma carrière si remplie ! « Improvisation Sur contravention » (d’après « Embraceable You » des Gershwin) est incroyable : sur le ton sérieux requis, Salvador lit « in extenso » le jugement pour stationnement interdit qui condamne Daniel Filipacchi à 1800 AF d’amende… avant de finir par plaidoyer pour lui faire sauter le PV ! Il y a encore la création « La Panade », sous-titrable « Blues du mari de la serveuse », « Le Blues De La Pausa », improvisation sur un article de presse relatant la réception à dîner de René Coty par Winston Churchill, « Un Poème » et « Compagnon Des Mauvais Jours », broderies sur les textes de Raymond Queneau et jacques Prévert. En complément figurent en extrait du « Musicorama » diffué le 2 janvier 1958, qui, une fois n’est pas coutume, n’est pas en public mais enregistré dans les studios d’Europe N°1, deux nouveaux titres co-écrits avec Boris Vain : « Le Gosse », refait de façon moins jazz plus tard sur disque, et « tu Ne Risques Rien », jamais publié. Après sa démonstration rock’n’roll de 1956, cette année 1958 avec aussi « Dans Mon Ile » (qui aurait inspiré la bossa nova) et « Blouse Du Dentiste », toujours dans le cru Boris Vian (pour peu de temps encore) est décidément du grand Salvador. Signalons une belle photo de pochette et un livret 12 p. de Michel Brillié.
Par Pierre LAYANI – JUKE BOX MAGAZINE