Avant Bill Haley (1925-1981), on ne parle pas de rock’n’roll. Il apporte au monde ce style (et son appellation). Alors qu’Elvis Presley connaît son premier vrai succès en 1956 (« Heartbreak Hotel », qui n’est pas un rock’n’roll), Bill Haley met le feu aux poudres depuis le début de la décennie, déclenchant un phénomène mondial grâce à « Rock Around The Clock » (Decca, 1954) et son utilisation dans la B.O. du film « Graine de violence » (« Blackboard Jungle » de Richard Brooks, 1955). Son art se nourrit à des sources diverses, western swing, boogie, pop, jazz, R&B, etc., mais son cocktail est personnel, sublimement efficace. Bill Haley est le père du rock’n’roll et en France, comme ailleurs, les jeunes adorent ce rythme endiablé. Quand Bill Haley arrive en Europe, partout ont lieu des scènes d’enthousiasme. Les supporters anglais attendent leur héros à l’aéroport. En Allemagne, l’excitation est telle que les rangées de fauteuils volent. Bill Haley et ses Comets se produisent à l’Olympia en octobre 1958. La captation d’un concert par Europe N°1 fait l’objet de ce CD (17 titres). Conquis par les disques, le public scande le nom de Bill Haley. Le chansonnier Jean-Marie Proslier, sarcastique, le présente : « Hé bien dans ce silence, je suis heureux de vous annoncer maintenant Bill Haley and his Comets », déclenchant un cri de joie. Bill Haley (chant, guitare) est entouré de Franny Beecher (1921-2014, guitare solo), Joe Olivier (1927-2001, guitare rythmique), Billy Williamson (1925-1996, steel guitar), Johnny Grande (1930-2006, piano), Rudy Pompilli (1924-1976, saxo), Al Pompilli (contrebasse, mort en 1974), Ralph Jones (1921-2000, batterie). Tous experts et affûtés. Le show démarre à 100 à l’heure avec « The Saints Rock And Roll », une variation sur le standard « When The Saints », suivi par une version véloce de « Shake, Rattle And Roll » (Joe Turner, 1954). Rudy Pompilli est mis en avant pour son fameux instrumental « Rudy’s Rock » pris, comme tous les morceaux, sur un tempo infernal, si bien que le public tape dans ses mains avec retard ! comme le veut une mode censée venir d’Amérique, les spectateurs sifflent pour manifester leur approbation. Annoncé par Bill Haley comme le petit frère de Rudy (les biographes les disent cousins), Al Pompilli chante « For You My Love » (Larry Darnell, 1949). Franny Beecher fait une belle démonstration de guitare boogie-woogie assortie de solos à la contrebasse et au saxo. Le jeu de scène de l’orchestre provoque des réactions bruyantes. On précise au public qu’il est interdit de danser dans la salle. Après « I ‘m Gonna Sit Right Down And Write Myself A Letter » (Fats Waller, 1935), Billy Williamson vient au micro pour “Jump Children” (Dave Bartholomew puis les Flamingos, 1953-54). Le solo de guitare sonne fébrile à souhait. Comme Ray Charles dans « What’d I Say », Billy Williamson entame un dialogue avec le public qui lui répond. Dans un anglais auquel se mêlent des mots français, Joe Olivier exhorte : « Si tout le monde ne s’assoit pas, nous ne pourrons pas continuer le spectacle – or nous voulons continuer le spectacle ! S’il vous plaît… » Cette fois, les sifflets sont moins amicaux ! Co-auteur et pianiste de « Jump Children », Fats domino est encore à l’honneur avec « I’m In Love Again » par Billy Williamson. Bill Haley enchaîne trois succès, « Mambo Rock », « See You Later Alligator », « Rock Around The Clock ». En plus de cette partie enregistrée le 14 Octobre 1958, le CD ajoute les versions du lendemain de « Beecher Boogie Woogie », « Rock A-Beatin Boogie », « Razzle Dazzle » et deux morceaux rares dans la discographie des Comets, l’instrumental « Tequila » (Champs, 1958) et, chanté par Rudy Pompilli, « Giddy Up A Ding Dong » (Freddie Bell & The Bell Boys, 1956). La captation fait parfaitement sentir le climat explosif de ces prestations, quand le rock’n’roll poursuit son inexorable progression.
Par Jean-William THOURY – JUKE BOX
Par Jean-William THOURY – JUKE BOX