Coïncidence, cette remarquable compilation est sortie à quelques jours de la mort d’Antoine « Fats » Domino à l’âge de 89 ans. Bel hommage en 120 titres tirés de sa période discographique la plus féconde pour le label Imperial. Géant de la musique louisianaise, le chanteur et pianiste créole fut un géant de la musique américaine tout court. Entre 1950 et 1963 il a, à lui seul, vendu plus de disques que Little Richard, Chuck Berry et Buddy Holly combinés, seulement distancé par Elvis qui le citait comme l’un de ses maîtres. Les historiens s’accordent à considérer que son tout premier enregistrement en 1949, « The fat man », marque (avant l’invention du terme) l’apparition du rock’n’roll. Coup d’essai et coup de maître, « The fat man » constitue une combinaison novatrice, fraîche, et tout à fait néo-orléanaise de boogie-woogie, de blues, de jazz sur fond de backbeat caribéen. Concoctée par un trio comprenant aussi Dave Bartholomew (arrangeur, compositeur, producteur) et Cosimo Matassa (aux manettes), nos trois pionniers d’une désarmante simplicité allaient faire florès avec une formule qui devait conquérir la planète. Personne n’était capable de sonner et de chanter comme Fats puisant dans n’importe quel répertoire et y imprimant sa marque, irrésistible. Qu’il s’agisse de Tin Pan Alley (Blueberry hill, My blue heaven), de country-cajun (Jambalaya), de trad néo-orléanais (Lil’ Liza Jane, Hey là-bas, When the Saints), de boggie étincelant (Domino stomp) ou de gros blues qui tache (Blue Monday, going to the river). Et sait-on qu’il fut l’un des précurseurs du ska avec « Be my guest » (1959), énorme succès en Jamaïque tout comme son « It keeps raining », l’année suivante ? Musicien hors pair ayant toujours su s’entourer des meilleurs sidemen de sa ville natale, d’une bonne humeur communicative, humble et totalement à son art, son œuvre, reflet d’une alchimie unique, continuera de défier le temps.
Par Jean-Pierre BRUNEAU – SOUL BAG
Par Jean-Pierre BRUNEAU – SOUL BAG