« Vivace et poignant » par Paris Move

« (…) ce “Live In Paris” nous la livre à son apogée: huit titres captés à l’Olympia entre octobre 1956 et juin 1957, et quatre autres à Bobino, en mars 61. Celle qui entamait alors une carrière au cinéma (dont elle n’anticipait pas encore le caractère hautement éphémère) était alors au faîte de son ascension. Fini le temps des vaches maigres et du Tabou. Désormais solidement établie au premier rang des grandes interprètes de la Chanson Française, on la retrouve ici à chanter Desnos, Queneau et Mac Orlan, aux côtés de Brel, Trénet, Ferré et Brassens. Et c’est presque comme si l’on y était: débutant sur un duo rare avec Eddie Constantine, elle est accompagnée tout du long par le quatuor que drivent le piano du fidèle Henri Patterson, et l’accordéon de Freddy Balta. Outre le fameux “Jolie Môme” de Ferré, elle livre ici sa célèbre version de “Si Tu T’Imagines” de Queneau et Cosma, ainsi qu'”On N’Oublie Rien” de Brel, et notoirement, la “Chanson Pour l’Auvergnat” de Brassens. Loin de ses débuts affamés dans le Saint-Germain existensialiste de l’immédiat après-guerre, c’est une artiste accomplie qui s’exprime ici. Mi-comédienne et mi-chanteuse, Juliette GRECO donne vie à des textes et musiques dont elle n’est certes pas l’auteure, mais qui prennent sous ses lèvres un relief stupéfiant. Entre le réalisme de Piaf et Fréhel (“La Chanson De Margaret”, “Coin De Rue”) et le rive-gauche des fifties (“Le Guinche”, “T’En As”, “Le Temps Passé”), la Gréco bousculait alors de ses hanches gainées de noir (et de ses cils du même charbon) la bienséance bourgeoise d’une France encore engoncée dans la IVème République. Un demi-sècle plus tard, cela demeure tout aussi vivace et poignant. »
Par Patrick DALLONGEVILLE – PARIS MOVE