« Couvrant les années 1956 à 1962, un coffret de trois CD réunit les multiples facettes du pianiste, compositeur et arrangeur qui fit ses premières armes aux côtés de Boris Vian et de Serge Gainsbourg. Il ne fallait pas moins de trois CD pour donner la juste mesure des débuts d’Alain Goraguer dans le métier. Goraguer, un nom associé à bien des voix, dont il fut un partenaire de première main, cosignant nombre de succès (de la Poupée de cire de France Gall à la terrible version de Mas que nada, requalifiée La ville est là, pour Isabelle Aubret, sans oublier la Montagne de Jean Ferrat). C’est ainsi que ce pianiste aura peaufiné ce son, fait de classe et de décontraction, qui rappelle que le natif de Rosny-sous-Bois (en 1931) a grandi à l’écoute attentive des maîtres du jazz, à commencer par Oscar Peterson, une influence pour tout amateur en ces années-là, et Duke Ellington, la référence pour tous ceux qui vont bâtir d’autres lendemains.
Le premier d’entre tous ces chanteurs sera Boris Vian, rencontré par l’entremise de Simone Alma, une petite voix jazzy comme il y en avait tant au milieu des années 50. (…) Ensemble, ils écriront pas mal de chansons, de doux délires et bien du plaisir partagé, la Java des bombes atomiques comme la Cantate des boîtes. Et c’est Vian, en qualité de directeur artistique chez Philips, qui offrira au pianiste son premier disque, une session devenue historique que l’on retrouve ici : Go-Go-Goraguer, un classique pour les aficionados de trio jazz, la classe ultime pour commencer. Dans les notes de pochette, Vian souligne les traits qui font tout le caractère de Goraguer (…). De telles qualités seront l’empreinte du pianiste quand il officiera pour les autres, notamment Serge Gainsbourg, avec lequel il sera bien plus qu’un simple partenaire à partir de 1958. Pour meilleure preuve, le mini- album de 1958 intitulé Du jazz à la une, des variations instrumentales sur quatre titres phares de l’homme aux grandes oreilles. Mention toute spéciale à Ce Mortel Ennui, un modèle de raffinement orchestral qui sera la marque de ce compositeur dont les arrangements (même lorsqu’il s’attaque sous pseudo aux musiques typiques) le hissent à la hauteur des plus classieux jazzmen américains. Ce que démontre aussi cette sélection, à travers deux autres disques complets : dans l’un, sont regroupées les premières BO de l’auteur (qui signera plus tard celle de la géniale Planète sauvage, de René Laloux), témoignant d’une imagination sans limite chez cet esthète coloriste qui manie comme peu toute la gamme de la palette ; le second débute par Piano-bar, l’album qu’il signa sous le nom de Laura Fontaine, où il habille avec doigté des classiques du répertoire (quelle version de You Go to my Head !), et se clôt par les faces coréalisées avec François Rauber, autre arrangeur en chef. Chacun pilote un orchestre (quartet jazz pour Goraguer, ensemble de cordes pour l’autre), tous deux réunis au mixage final pour une suite de pièces ciselées, même si parfois un poil surannées, qui soulignent le style subtil d’Alain Goraguer, toutes ces choses qu’il est, pour paraphraser All the Things You Are, dernier standard de cette anthologie de près de quatre heures : un singulier multiple artiste des notes bleu nuit. »
Jacques DENIS - LIBERATION
Le premier d’entre tous ces chanteurs sera Boris Vian, rencontré par l’entremise de Simone Alma, une petite voix jazzy comme il y en avait tant au milieu des années 50. (…) Ensemble, ils écriront pas mal de chansons, de doux délires et bien du plaisir partagé, la Java des bombes atomiques comme la Cantate des boîtes. Et c’est Vian, en qualité de directeur artistique chez Philips, qui offrira au pianiste son premier disque, une session devenue historique que l’on retrouve ici : Go-Go-Goraguer, un classique pour les aficionados de trio jazz, la classe ultime pour commencer. Dans les notes de pochette, Vian souligne les traits qui font tout le caractère de Goraguer (…). De telles qualités seront l’empreinte du pianiste quand il officiera pour les autres, notamment Serge Gainsbourg, avec lequel il sera bien plus qu’un simple partenaire à partir de 1958. Pour meilleure preuve, le mini- album de 1958 intitulé Du jazz à la une, des variations instrumentales sur quatre titres phares de l’homme aux grandes oreilles. Mention toute spéciale à Ce Mortel Ennui, un modèle de raffinement orchestral qui sera la marque de ce compositeur dont les arrangements (même lorsqu’il s’attaque sous pseudo aux musiques typiques) le hissent à la hauteur des plus classieux jazzmen américains. Ce que démontre aussi cette sélection, à travers deux autres disques complets : dans l’un, sont regroupées les premières BO de l’auteur (qui signera plus tard celle de la géniale Planète sauvage, de René Laloux), témoignant d’une imagination sans limite chez cet esthète coloriste qui manie comme peu toute la gamme de la palette ; le second débute par Piano-bar, l’album qu’il signa sous le nom de Laura Fontaine, où il habille avec doigté des classiques du répertoire (quelle version de You Go to my Head !), et se clôt par les faces coréalisées avec François Rauber, autre arrangeur en chef. Chacun pilote un orchestre (quartet jazz pour Goraguer, ensemble de cordes pour l’autre), tous deux réunis au mixage final pour une suite de pièces ciselées, même si parfois un poil surannées, qui soulignent le style subtil d’Alain Goraguer, toutes ces choses qu’il est, pour paraphraser All the Things You Are, dernier standard de cette anthologie de près de quatre heures : un singulier multiple artiste des notes bleu nuit. »
Jacques DENIS - LIBERATION