Le chanteur-compositeur a l’intelligence de laisser parler la musique par Hexagone

Nous avons déjà égrené les points forts du dernier Gérard Pierron : son évidence mélodique (chanson du traîne-misère), sa gourmandise de diseur (La marchande d’images), la variété des accompagnements (piano-accordéon pour « Tuileries de mes peines », ou violon-rhodes pour « Berceuse II », flûte enchanteresse en sus), l’intemporel (rondeau de Charles d’Orléans) et l’actuel « Devil-lès-Rouen », les subtiles réappropriations de musiques jadis offertes à d’autres, sa propre écriture, simple mais puissante (« Regarder la Loire », sommet d’émotion et d’étrangeté »). Mais les temps calmes ne sont pas moins beaux : « le doute », qui illustre ce qu’un Leprest mineur et fatigué contient encore de beauté, magnifié par Nathalie Fortin en état de grâce ; « A la brune à la blonde » (« et merde pour le curé ! ») un Queneau irrévérencieux, chœurs complices et chaleureux ; « Petits lapons », sorti de la plume fantaisiste de Georges Fourest, tout en aigus piqués (Marie Mazille et ses nyckelharpa, clarinette, etc.), sur lequel Pierron ajoute une coda à sa sauce ; « Pluie d’été » ( Brauquier ) d’où « naît une espèce de liberté intérieure », tel un baume apaisant. Surtout redire que le chanteur-compositeur a, comme toujours, l’intelligence de laisser parler la musique : le texte ne prime pas, c’est l’alliance qui fait sens. Ainsi ces moments où un instrument se détache, anticipant la chose écrite ou la continuant, y ajoutant encore une nuance…
Par Nicolas BRULEBOIS - HEXAGONE