« Nouvelles histoires » : le titre n’est pas vain. Cosigné avec deux illustres compagnons, « New Stories » est l’aboutissement d’un long tournant pour le pianiste Hervé Sellin, d’où sa réputation sort entièrement renouvelée. Il y a six ans, Hervé Sellin évoquait dans le n°699 de Jazz Magazine ses origines familiales, entre swing et variété, les études classique auprès d’Aldo Ciccolini et Pierre Sancan, le Caveau de la Huchette, les clubs où il devint l’un des favoris des vétérans américains du hard-bop en quête d’un pianiste. Au département jazz du CNSM, responsable des « 2ème année » depuis des lustres, il s’était fait une réputation de gardien du temple. Mais déjà, en 2017, souffrant d’un excès d’humilité, il préparait sa retraite avec une double parution en guise de transition : « Always Too Soon » en hommage à Phil Woods et « Passerelles » où il revisitait son héritage classique, de Schumann à Dutilleux. Sa retraite prise, le voici lâchant les amarres avec deux libres penseurs de l’après-bop, Jean-Paul Celea et Daniel Humair. Sur des partitions, en majorité originales, deux profondes relectures de « Bohemia After Dark » (Oscar Pettiford) et « Black Narcissus (Joe Henderson), une « Drum Thing » signée Humair-Stéphane Kerecki et deux impros libres, ce trio joue dans la cour des très grands, avouant certaines connivences avec Joachim Kûhn et Martial Solal. L’art pianistique magistral de Sellin, son exigence architecturale et son métier de l’improvisation jusqu’au lâché-prise trouve son plein et original épanouissement auprès de deux complices toujours au sommet de leur art chaque fois qu’ils sont réunis.
Par Franck BERGEROT – JAZZ MAGAZINE