« Spécialiste incontesté de l’œuvre du Genius, Joël Dufour a déjà été le curateur de pas moins de cinq coffrets consacrés à Brother Ray dans la collection Frémeaux (chroniqués ICI, ICI, ICI, ICI et ICI), mais il se lance cette fois dans un authentique labour of love, en jetant non seulement la lumière sur les influences du jeune Ray Charles Robinson au cours de ses années d’apprentissage, mais aussi l’impact indéniable qu’il eut à son tour sur maints de ses successeurs. En pas moins de sept CDs (et 171 titres), Dufour effectue un ballet incessant entre le répertoire de Charles et celui de ses modèles, mettant également en perspective son influence auprès de ses nombreux disciples. Il résulte de cet impressionnant jeu de miroirs une saisissante time-line de la transmission d’un patrimoine cohérent (tant sur le plan culturel que stylistique), au cœur des courants musicaux afro-américains, depuis la fin des années 20 jusqu’au début des sixties. On entend donc défiler en amont des références déjà connues (Nat King Cole, Charles Brown, Lowell Fulson, Leroy Carr, T-Bone Walker, Horace Silver, Lloyd Glenn), mais aussi une palanquée de gospel choirs & singer, ainsi que certains orchestres de l’époque dorée du swing (Tommy Dorsey avec Frank Sinatra, ou encore Charlie Parker avec Miles Davis et Dizzy Gillespie). Et en aval, Sammy Davis Jr., Harry Belafonte, Eddie Cochran, Jerry Lee Lewis, Lloyd Price, King Curtis, Peggy Lee, Bobby Parker, les Mar-Keys, Booker T. & The MGs, Stevie Wonder et autres Isley Brothers… Le parallèle entre le “It Must Be Jesus” des Southern Tones et le “I Got A Woman” de Charles reste éclairant, de même que celui entre “This Little Light Of Mine” des Famous Ward Singers et son “propre” “This Little Girl Of Mine”. Agrémentée de deux copieux livrets détaillés (de 28 pages chacun), cette somme allie haute qualité sonore, pertinence pédagogique et, comme toujours en pareil cas, ravissement mélomane. D’autant qu’elle inclut pas moins de quinze enregistrements live inédits du Maître: une éblouissante démonstration. »
Par Patrick DALLONGEVILLE – PARIS MOVE