« Jay Jay Johnson, un tromboniste au charisme incontestable » par Jazz Magazine

Chaque période de l’histoire du jazz a vu l’émergence d’un musicien que son charisme désigne comme un leader incontestable. Jay Jay Johnson a transcendé toutes les frontières. Sans remonter à l’Antiquité, celle des Kid Ory ou Honoré Dutrey, les trombonistes ne font pas exception. Ainsi, Jay Jay Johnson aura-t-il marqué de son empreinte toute la période du bop, des racines jusqu’au hard bop. En témoigne cette sélection d’enregistrements couvrant plus de cinq lustres, de 1945 à 1961. Dans le premier CD, il dirige des formations où figurent Sonny Rollins, Stan Getz, Bud Powell, ou encore Charlie Mingus, sans préjudice à d’autres célébrités. Voilà qui laisse déjà présager du niveau musical et de la variété des styles. Le second CD, où il apparaît comme sideman, confirme, outre la qualité du tromboniste et sa technique éprouvée, sa capacité d’adaptation. De Benny Carter à Miles Davis en passant par Benny Golson ou le big band de Dizzy Gillespie, nulle fracture, nul grand écart, mais une égale suavité de son art et l’art unique de s’approprier un thème pour lui imposer sa propre empreinte. Cette originalité d’interprète se double d’indéniables qualités de compositeur. Des thèmes tels que « Mad Be Bop », l’inoubliable « Lament » (dans la version avec Kai Winding) ou encore « Blue Trombone » attestent de la riche personnalité de Jay Jay Johnson. Il trouve en la personne d’Alain Gerber un biographe et un analyste digne de lui. Même talent, semblable élégance, l’auteur du livret a largement contribué par le passé à donner ses lettres de noblesse à la collection Quintessence, dont il convient de saluer le retour. C’est qu’il ne se borne pas à de seuls commentaires, si documentés, étayés et pertinents soient-ils : il possède l’art d’insuffler la vie à ses héros.

Par Jacques ABOUCAYA – JAZZ MAGAZINE