« L’enfance d’un chef » par Muziken

« Avant de diriger à partir des années 1960 plusieurs formations radiophoniques et d’obtenir un contrat discographique à la tête du Philharmonique de New York, Pierre Boulez débutait quinze ans plus tôt aux côtés de la Compagnie Renaud-Barrault comme responsable de la musique de scène. Bientôt co-fondateur, avec Scherchen et Souvtchinsky, des Concerts du Domaine Musical où l’on interprète aussi bien Machaut que Messiaen, Debussy et Stravinsky, le jeune chef d’orchestre se concentre au disque sur la Seconde École de Vienne et les premières œuvres de ses contemporains : Stockhausen, Berio et Nono pour les marques Véga et Adès. Des enregistrements réédités en partie en 2006 (Accord, Vol. 1 & 2 « 1956…1967 ») dont plusieurs figurent à nouveau dans cette anthologie : un Pierrot lunaire de Schoenberg – le premier du chef et de la récitante Helga Pilarczyk ! –  expressionniste à souhait, suivi de la très débridée Sérénade op. 24 du même Schoenberg et son Sonnet de Pétrarque n° 217 par la basse Louis-Jacques Rondeleux. Nul ne peut rester indifférent à cette version si joyeuse du Renard de Stravinsky en 1956, tant du côté des chanteurs – si spirituels Jean Giraudeau, Louis Devos, Rondeleux et Xavier Depraz – que des musiciens : Pierre Penassou, Guy Deplus, Jacques Catagner, Claude Maisonneuve, Jacques Parrenin… Une merveille, bien complétée par d’autres partitions de chambre de Stravinsky. En revanche, les trois partitions de Webern semblent trop brutes comparées à celles, ultérieures, du chef de ces mêmes opus 8, 13 et 21 avec Heather Harper et l’orchestre symphonique de Londres (CBS/Sony Classical, 1967-1969). Du troisième album, on retient la version discographique princeps (1957) d’une rugosité  toute varésienne du Marteau sans maître – de, et par Boulez – avec la participation de la mezzo Marie-Thérèse Cahn, fidèle du Domaine Musical. Toute une époque. »

Par Franck Mallet - Muziken