« Le Sésame ouvrant sur un domaine musical incomparable » Par Classica

Il y eut dans le parcours musical exceptionnel de Duke Ellington des époques que l’on distingue peut-être arbitrairement, mais qui correspondent à des évolutions de son style orchestral, de ses compositions et arrangements. On connaît ainsi le style « jungle », puis « mood » des années 1920 et 1930. On peut apprécier aussi la période 1950-1952 avec la présence de Louis Bellson à la batterie, comme c’est mon cas, puis celle de Sam Woodyard. Mais celle qui est généralement considérée comme l’âge d’or de la sage ellingtonienne, c’est celle des années 1940-1942, où l’orchestre inclut le bassiste Jimmy Blanton, qui devra quitter en 1941 pour tuberculose et mourra l’année suivante à 24 ans, et le saxophoniste ténor Ben Webster, improvisateur impressionnant de véhémence et de sensibilité. De nombreuses faces sont alors enregistrées pour RCA Victor, devenues aujourd’hui des classiques dont l’écoute ne cesse de surprendre et d’éblouir. La cohésion de l’orchestre est complète, les compositions, parfois harmoniquement complexes, sont tour à tour suaves, intrigantes et enlevées. La machine est exceptionnelle et les interventions solistes sont dans bien des cas les étalons du genre, comme « Cottontail », que tout saxophoniste qui l’interprète cite nécessairement. André Hodeir a écrit des pages sur « Concerto For Cootie » du 15 mars 1940 dans « Hommes et problèmes du jazz », Alain Pailler consacre un livre entier au « Ko-ko » du 6 mars 1940. C’est dire la richesse musicale produite à cette époque par cette phalange de rêve, la satisfaction durable qu’elle procure, l’inépuisable attrait que suscite son écoute répétée. Regroupé en quatre CD soigneusement remastérisés, l’essentiel est là. Pour qui souhaiterait découvrir l’univers ellingtonien, voilà la porte d’entrée idéale, le Sésame ouvrant sur un domaine musical incomparable qui fut aussi admiré par les interprètes et les musiciens classiques et qui marque encore l’histoire de la musique au XXe siècle.

Par Jean-Pierre JACKSON - CLASSICA