Réédition d'une cassette vendue en 1988 lorsque les deux artistes faisaient la manche avec un orgue de Barbarie devant le Sacré-Coeur, ce disque aurait pu ne rester qu'un « document », une archive exhumée plus à titre informatif que pour sa valeur artistique. Il s'agit en réalité d'un bel album, inhabituel dans la discographie de Gérard Pierron, intéressant à bien des égards. D'abord le répertoire sélection a priori de chansons de Paris et d'incontournables des compilations rétro, il s'avère plus varié que prévu. On est par exemple étonné, au milieu des « Ménilmontant », « La Seine », etc., d'entendre à deux reprises Guy Béart (« Les couleurs du temps » et le plus rare « Printemps sans amour »), qu'on n'imaginait pas forcément sur ce terrain-là. Pierron, s'éloignant de son rôle de chineur-compositeur, laisse entendre ses capacités d'interprète naïf, réaliste et sentimental : « Mon pote le gitan » ou « Le chaland qui passe » lui vont à ravir, collant avec ses thèmes coutumiers (la marge, les mariniers). On ressent le plaisir que prennent les deux complices (rejoints par le contrebassiste Jean-Philippe Viret) à « donner de la voix », alternativement ou en choeur, soutenus par cet instrument qu'on dit désuet (l'orgue), mais riche de tant d'imagerie qu'il recouvre ces chansons d'âges variés d'un vernis immémorial.
Par Nicolas BRULEBOIS - HEXAGONE