Pour cette deuxième parution de l’éditeur spécialisé dans le patrimoine sonore et investissant désormais le champ du livre, Patrick Frémeaux a choisi de rééditer – avec les révisions d’usage – l’ouvrage qu’Alain Pailler consacrait il y a une douzaine d’années à la genèse de Ko-Ko, une des compositions les plus cruciales de Duke Ellington en ce qu’elle cristallise une bonne part de son génie. Un génie qui, comme tous les génies, savait s’entourer et créer les meilleures conditions pour s’exprimer. Ce qu’Alain Pailler détaille par le menu dans un récit clair, vivant, synthétique et toujours tendu vers son sujet. On tourne les pages de cette monographie comme un bon polar dont on connaîtrait déjà la fin mais dont l’alignement des éléments de l’intrigue fascinent encore et toujours. Une intrigue incorporant Billy Strayhorn, ben Webster, Jimmie Blanton, Johnny Hodges, Harry Carney, Cootie Williams, Sam Tricky Nanton, Barney Bigard, le Cotton Club et les studios RCA en guise de décor ne peut d’ailleurs qu’être exaltante. Comme l’a été ce créneau 1940-1942 pour le Duke qui a enchainé les trésors de compositions, souvent dédié aux musiciens de son orchestre avec lesquels il constituait une incroyable palette de couleurs et de formes, unique dans l’histoire du jazz par la densité et sa concision – le format du disque 78 tours s’est avéré déterminant dans la constitution du corpus – et sa dimension révolutionnaire. Le livre est d’ailleurs heureusement complété d’un coffret de quatre CD au mastering superlatif pour cet âge d’or de l’enregistrement et à la présentation – par Alain Pailler, toujours – parfaitement exemplaire. Les mots manquent pour décrire combien toute cette matière fait du bien et repousse les tracas du monde. Comme de juste, l’Académie du jazz avait décerné son Prix du livre à l’ouvrage d’Alain Pailler en 2011. Nous ne fûmes pas étonnés. »
Par Bruno GUERMONPREZ – JAZZ NEWS