« Un événement, une évidence » par Jazz Magazine

Avec plus de trois heures de musique, vingt plages inédites et sept bonus, cette publication des moments forts des concerts que donna le chanteur à l’Olympia du 17 au 25 mai 1962 s’affirme, près de soixante ans plus tard, comme un événement. Alléluia ! [We love him so. NDR] D’abord un grand merci à Patrick Frémeaux d’ainsi raviver au fil de ses rééditions le souvenir fou et flou des ces instants magiques de jazz live. Après le Concert Band de Mulligan, voici le flamboyant florilège des premiers concerts olympiens que « Brother Ray » donna quelques mois après celui du Palais des sports en octobre 1961. A son écoute aujourd’hui, une évidence : jamais Ray Charles, propulsé par un formidable orchestre, aiguillonné par les Raelets menées par Magie Hendricks, n’aura autant mérité son surnom de « Genius » que lors de ces concerts, véritables cérémonies d’envoûtement collectif. Surtout en cette période, la plus prolifique de sa tumultueuse carrière. Impossible de ne pas se laisser emporter par cette houle de soul qui mit au roulis un public tout proche de la transe. La raison ? Cette voix unique, multiple et magnétique, bouleversée et brulante, qui chuinte, caresse et glisse naturellement du feulement au cri. Une voix de velours qui sait se briser en un éraillement lent pour éclater la seconde d’après en fausset, sanglot ou rire. Avec un sens consommé du suspense, au fil de ces six prestations parisiennes, Ray Charles s’amuse à ressasser avec gourmandise les mêmes chansons pour mieux les métamorphoser à chaque interprétation. Pour preuve, « Georgia On My Mind ». Pour l’introduire au piano, comme lors d’une parade d’amour, il s’amuse à en suggérer la courbe mélodique, à en étirer le temps pour mieux retarder l’instant de la reconnaissance et rendre la tension plus désirante que notre propre désir.
Par Pascal ANQUETIL – JAZZ MAGAZINE