Manu Le Prince a d’abord fait ses armes chez Magma, Urban Sax, Bernard Lavilliers et Novos Tempos avant de créer ses propres formations. Elle revient avec un projet ambitieux servi par un orchestre de première classe. Depuis plus de vingt ans, Manu Le Prince vit entre la France et le Brésil, qui est devenu sa seconde patrie, comme en a témoigné l’excellent « BossaJazz For Ever » qu’elle enregistra en 2013 en hommage à Johnny Alf, l’un des pionniers de la bossa nova. A une époque où beaucoup de chanteuses reprennent le répertoire brésilien en oubliant l’atmosphère particulière qu’il demande, Manu Le Prince nous avait surpris par l’authenticité et le côté charnel des ses interprétations. Qu’elle s’attaque aujourd’hui au répertoire de Wayne Shorter pourra surprendre, mais ce serait oublier que le saxophoniste américain avait lui aussi une relation particulière avec la musique brésilienne (rappelez-vous de son album « Native Dancer » avec Milton Nascimento). Elle a donc commencé par mettre des paroles sur certains morceaux du maître (avec son assentiment) avant de réunir autour d’elle un quartette de cadors capable de trouver l’équilibre entre le jazz et la latinité qu’elle affectionne, plus quelques invités judicieusement choisis, tels Kiko Continentino, Baptiste Herbin ou Minino Garay. Quant à Manu Le Prince, si on connaît ses qualités vocales depuis longtemps, on est toujours épaté par le cœur qu’elle met dans ce qu’elle chante. Et sa voix chaude qui aime descendre dans le grave est un joyau scintillant dans un écrin sur mesure. Une réussite totale qui sonne « vrai » pour un projet qui n’aurait pas supporté l’à-peu-près.
Par Philippe VINCENT – JAZZ MAGAZINE