« Un mastering aux petits oignons » par Paris Move

« Dans les années 70, Norman Granz, fondateur du mythique label Verve, en créa un nouveau : Pablo Records. Doté d’un solide carnet d’adresses, il avait déjà signé certains des plus grands, de Ella Fitzgerald à Count Basie, en passant par Sarah Vaughan et John Coltrane… En 1977, il proposa à Dizzy Gillespie et Lalo Schifrin d’enregistrer un album, quinze ans après leur précédent disque en commun. Le producteur, le trompettiste américain et le compositeur argentin se connaissaient de longue date, puisque c’est Dizzy qui décida Lalo à venir s’installer à New York au début des années 60. Engagé comme pianiste, Schifrin devint rapidement compositeur et arrangeur de plusieurs albums de Gillespie (à commencer par “The New Continent”, paru sur Limelight en 1962). Nos deux compères se produisirent en 1960 à la Salle Pleyel, et l’année suivante à l’Olympia, dans le cadre des tournées “Jazz At The Philarmonic” organisées par Granz. Trompettiste véloce et inspiré, Dizzy contribua à introduire les rythmes afro-cubains dans le jazz dès les années 1940. Missionné dans les années 50 par le département d’État américain pour populariser le jazz de par le monde (et notamment en Amérique du Sud), il en profita pour approfondir sa quête des rythmes latins d’essence africaine. C’est lors de ce voyage qu’il rencontra le jeune pianiste et compositeur Lalo Schifrin, qui lui écrivit sur mesure la suite “Gillespiana”, appelée à devenir un standard, et dont la première version jamais jouée en public figure sur le premier CD de ce coffret (l’album studio correspondant n’étant alors paru que dix jours auparavant). De retour à Paris douze mois plus tard (le 18 novembre 61), nos deux compères avaient entre temps changé de section rythmique (Bob Cunnigham et Mel Lewis y remplaçant cette fois Art Davis et Chuck Lampkin), mais avaient eu l’heureuse idée de conserver à leurs côtés l’excellent saxophoniste alto et flûtiste Leo Wright. Captés sous l’égide des précieux Daniel Filipacchi et Frank Ténot (dans le cadre de leur émission quotidienne dédiée au jazz sur Europe 1), ces concerts (tout comme certains de Cannonball Adderley, Ella Fitzgerald, Stan Getz, Oscar Peterson, Miles Davis, Quincy Jones et John Coltrane) font désormais dans cette série “Live in Paris” l’objet d’un mastering aux petits oignons, à partir des archives d’époque. Outre la “Gillespiana” intégrale de Schifrin (43’00 en cinq mouvements), ce coffret propose une relecture pour le moins iconoclaste (et triomphale) du “Caravan” de Duke Ellington (essentiellement percussive), ainsi que celles du “Desefinado” de Jobim (que Charlie Byrd, Stan Getz et Herb Alpert venaient d’ériger en standard international), du samba beat de “Pau De Arara” de Guio de Morais et Luiz Gonzaga, ainsi que du “Long Long Summer” de Schifrin. Granz introduit en personne le second set, avant que Gillespie ne le relaie au micro. Viendra plus tard pour Lalo le temps des B.O. à succès avec sa première partition pour “Les Félins” de René Clément en 1964, avant bien d’autres, telles que “Bullitt“, “Luke la Main Froide“, “Mission Impossible” et la série des “Dirty Harry” de Don Siegel et Clint Eastwood…  Mais ceci est une autre histoire, qui n’en vit pas moins nos deux protagonistes se retrouver quinze ans plus tard pour le magistral Free Ride. »

Par Patrick DALLONGEVILLE – PARIS MOVE