C’est au milieu des années 1950 que le monde du jazz découvrit avec ravissement Jelena Ana Milcetic alias Helen Merrill. Ce coffret nous offre un passionnant travelling sur les débuts de la chanteuse à la voix de lune et de brume avec ses huit premiers albums dont cinq pour le catalogue EmArcy crée en 1954 pour Mercury par Bob Shad. Avec « Helen Merrill Accompanied by Clifford Brown », ce producteur inspiré réussit un coup de maître en faisant appel à Quincy Jones (21 ans) comme arrangeur de la séance. La rencontre de Helen et Brownie (tous les deux âgés de 24 ans) fut celle de l’évanescence et de l’incandescence. Fort du succès de cet album fondateur, elle sut persuader Bob Shad de demander à Gil Evans de lui écrire des orchestrations sur mesure, des arrangements d’une sensualité vaporeuse qui s’accordent idéalement à sa voix lisse d’où émane cette obscure clarté. C’est dans « Dream Of You » qu’elle affirme le mieux son lyrisme mélancolique, tout en émotion tenue, en tension et urgence intérieures. A la sortie de l’album, Miles Davis déclara : « J’avais oublié Gil. Je vais lui passer un coup de fil. » On peut regretter que sur les 62 titres enregistrés pour Mercury manquent quelques plages comme « Glad To Be Unhappy, Blue Guitar et Listen ». Félicitons-nous, au contraire, que pour sa période romaine, outre son délicieux « Parole e Musica » (1960), on ait ajouté ce rare 45 tours « Helen Merrill Sings Italian Songs » où brille une sublime version d’« Estate ».
Pascal ANQUETIL – JAZZ MAGAZINE