… Si les états de service de cet enfant du jazz constituent à eux seuls une histoire de la chanson française des décennies 1960 et 1970, trois noms se détachent sur son itinéraire : Vian, Gainsbourg et Ferrat. Le premier est celui qui l’aura fait connaître grâce aux musiques de « Je bois, La Java de bombes atomiques » ou « Fais-moi mal, Johnny » (chanté par Magali Noël). Les deux se sont rencontrés en 1954 à Saint-Germain-des-Prés, présentés par la chanteuse Simone Alma, dont Goraguer est le pianiste. Né le 20 août 1931 à Rosny-sous-Bois, en région parisienne, ce fils d’officier de gendarmerie n’a pas suivi le parcours classique des arrangeurs-orchestrateurs puisqu’il n’est pas passé par le conservatoire, même s’il se rattrapera en se formant à l’harmonie et au contrepoint auprès de Julien Falk. A Lyon, le voilà qui anime les « surprises-parties » de sa sœur. Pour l’improvisation, il prend comme modèles Erroll Garner, Oscar Peterson ou Bud Powell. Et publie, en 1956, en leader de trio l’album « Go…Go… Goraguer ». Goraguer commence à travailler pour le cinéma, notamment en 1959 pour le film « J’irai cracher sur vos tombes », d’après le roman de Boris Vian, dont la première sera fatale à l’écrivain, terrassé par une crise cardiaque. L’arrangeur a alors entamé une collaboration avec Serge Gainsbourg et sera associé à la « période bleue » du chanteur, dominée par le jazz, le mambo, le cha-cha-cha ou le twist, avec des classiques tels « Le Poinçonneur des Lilas », « Black Trombone » ou « Intoxicated Man ». En 1960, il noue aussi une complicité avec Bobby Lapointe et, surtout, avec Jean Ferrat, à l’intégralité des enregistrements duquel il aura été associé, à l’exception du premier 45 tours. Le lyrisme du chanteur compagnon de route lui offre de déployer une large palette orchestrale. Le talent protéiforme de Goraguer lui aura permis d’œuvrer aussi bien pour Brigitte Bardot que pour Juliette Gréco, Joe Dassin ou Brigitte Fontaine. Et même de rythmer le « Gym Tonic » (1982) pour l’émission de Véronique et Davina. En 2020, le label Frémeaux & Associés a consacré à ses débuts une anthologie en trois volumes : « Le monde instrumental d’Alain Goraguer. Jazz et musiques de films 1956 – 1962. …
Par Bruno LESPRIT – LE MONDE