« Avec « Children of The Night », Manu Le Prince rend hommage à Wayne Shorter, saxophoniste et compositeur essentiel de l’histoire du jazz. Entourée d’un aréopage de musiciens français, cubains et brésiliens, elle met en parole quelques-uns des grands standards du mythique jazzman dont les qualités de mélodiste font l’unanimité. (…)
Sur le lumineux « Children of The Night » Manu Le Prince reste fidèle à l’esprit de l’œuvre de Wayne Shorter. Tout en prenant ses distances avec l’écriture originale, elle pose ses paroles sur les instrumentaux. Avec délicatesse et souplesse, elle s’approprie les morceaux qu’elle projette dans ses propres territoires, entre musique brésilienne et jazz.
Manu Le Prince livre cet opus en hommage au grand saxophoniste et compositeur Wayne Shorter, avec les encouragements du maître qui a lui-même validé ses paroles sur quatre de ses musiques. L’opus retrace plusieurs périodes du parcours musical de Wayne Shorter dont celle avec le chanteur brésilien Milton Nascimento. Le disque porte le nom du titre composé par Wayne Shorter en 1961 pour l’album « Mosaic » des Jazz Messengers d’Art Blakey dont il faisait alors partie.
Manu Le Prince s’est entourée d’une solide équipe au sein de laquelle est perceptible une belle osmose : Irving Acao aux saxophones et arrangements, Leo Montana au piano, Felipe Cabrera à la contrebasse, Lukmil Perez à la batterie et d’autres invités parmi lesquels le saxophoniste Baptiste Herbin, les comparses de Milton Nascimento, le pianiste Kiko Continentino et le percussionniste Robertinho Silva, le percussionniste Minino Garay, le batteur Zaza Desiderio, le bassiste Acelino de Paula et ses fils Julian Le Prince Caetano (piano) et Gael Le Prince Caetano (percussions).
D’emblée, la voix chaude et sensuelle de la chanteuse installe un climat chargé d’émotion sur Eleanora, le titre d’ouverture. La chanteuse reprend et étire la mélodie de Lady Day écrit par Wayne Shorter en hommage à Billie Holiday et enregistré en 1965 chez Blue Note sur l’album « The Soothsayer ». Au fil de son solo, l’alto lyrique de Baptiste Herbin déroule ensuite des spirales sinueuses puis fait alterner délicats frémissements et accélérations foudroyantes.
Le répertoire se poursuit avec Speak No Evil, une autre composition de Wayne Shorter qui a donné son nom à l’album du saxophoniste sorti en 1966 chez Blue Note. Après avoir exposé le thème, la voix puissante au timbre légèrement voilé cède la parole au ténor musclé d’Irving Acao puis Leo Montana virevolte sur les touches blanches et noires. Break après break, le morceau se déroule sur un tempo aux accents latins. C’est ensuite avec un brin de romantisme que résonne le piano de Julian Le Prince Caetano sur Introduction My Children of The Night. Par la suite, la voix de la chanteuse brille de tous ses éclats sur Children of The Night écrit par Wayne Shorter et enregistré en 1961 sur l’album « Mosaic », alors qu’il jouait avec Art Blakey & The Jazz Messengers. Une fois de plus, l’alto aérien de Baptiste Herbin fait preuve d’une étonnante volubilité et d’une maîtrise inouïe.
Accompagnée du bassiste Acelino de Paula, du pianiste Kiko Continentino et du batteur Zaza Desiderio, Manu Le Prince propose une version magistrale de Tarde, la composition de Milton Nascimento enregistrée en 1974 par Wayne Shorter sur son album « Native Dancer » sorti en 1975. De sa voix grave et voilée, la chanteuse étire le tempo au-dessus des envolées gracieuses du soprano de Baptiste Herbin avant que le piano ne fasse entendre ses interventions inspirées et lumineuses.
Avec Caminho Solar, Manu le Prince transpose en portugais le célèbre Footprints composé par Wayne Shorter. A ses côtés, le saxophone soprano d’Irving Acao s’enflamme et invite l’oreille à le rejoindre dans son univers coloré. Plus loin, Manu Le Prince parvient à restituer le climat sonore unique de Milton Nascimento à travers sa composition Vera Cruz. Sur un tempo bossa un peu rapide qui flirte avec samba et jazz, s’expriment tour à tour, la voix puissante de la chanteuse et le piano de Kiko Continentino qui n’hésite pas à emprunter des chemins escarpés.
Le répertoire se poursuit avec la célèbre composition de Wayne Shorter, Infant Eyes, enregistrée en 1964 sur l’album « Speak No Evil » sorti chez Blue Note en 1966. Avec grâce et conviction, Manu le Prince chante en anglais sur un tempo médium alors que le soprano vagabonde et projette avec bonheur ses volutes ascensionnelles dans l’espace musical. Avec le court Bass Prelude, la basse tellurique de Felipe Cabrera introduit la composition de Manu Le Prince, Hugs and Roses, sur laquelle les musiciens développent une musique intimiste empreinte de romantisme.
C’est ensuite sur un tempo funky et groovy que la chanteuse interprète la fameuse compositon de Wayne Shorter, Beauty & the Best, qu’elle a renommée From Soul To Soul et sur laquelle elle a posé des paroles en anglais. Sur cette version singulière du titre, les envolées du soprano d’Irving Acao sont du meilleur effet et participent pour beaucoup à la musicalité du morceau. L’album se termine avec Blue Cat que la chanteuse interprète avec le pianiste Kiko Continentino, compositeur de ce thème que le duo interprète avec élégance et sobriété. »
Par Nicole VIDEMANN – LATINS DE JAZZ