Après son soutien actif à l’élection de John F. Kennedy et celui qu’elle se fait un devoir d’apporter au « pasteur en marche » Martin Luther King, Mahalia Jackson reprend début 1961 en Californie les séances pour Columbia, la grande maison qui a fait d’elle une diva internationale du gospel avec toutefois un bonheur artistique moins constant que lorsqu’elle enregistrait chez Apollo. Le rythme de valse choisi pour « Nobody but You Lord » est un plaisant message de solidarité envoyé aux réfugiés de tous pays dont s’occupe l’Onu, mais la première vraie réussite de ce début d’année survient avec « The Love of God », composition de 1917 inspirée d’un poème juif araméen du Moyen âge et dont Mahalia fait jaillir la force avec la haute simplicité qui est son secret. La fidèle Mildred Falls est au piano et Louise Weaver-Smothers à l’orgue. Plusieurs versions nouvelles de morceaux déjà gravés pour Apollo souffrent de la comparaison, les parties dévolues aux choristes en étant la cause la plus fréquente : c’est le cas du très populaire « I Know Prayer Changes Things » de Robert Anderson, de « Rockin’in Jerusalem » ou de l’hymne « I Want to be a Christian ». en revanche, Mahalia nous offre un superbe chant mâtiné de prêche dans « Everytime I Feel the Spirit I Pray », spiritual qu’elle a remanié en lui imprimant un phrasé à la fois véhément et strict. Sa voix creuse un sillon avec une impressionnante sérénité au fil du lent et profond « Have You any Time for Jesus ? » et, sur un tempo voisin, projette au contraire une ferveur concentrée « What a Difference Since My Heart’s Been Changed ». Enfin, présentée dans une émission par le journaliste-écrivain Studs Terkel, la chanteuse se lance dans les deux parties de « The Holy Bible », non sans avoir confirmé que le Good Book restait sa nourriture quotidienne. Avec, on le sait, la cuisine néo-orléanaise préparée pour les amis de passage.
Par Philippe BAS-RABERIN – JAZZMAG - JAZZMAN
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