« Avec les Haricots Rouges ce n'est jamais triste » par Jazz Hot

« Après la réussite de French Melodies, les Haricots Rouges poursuivent leur évolution. Nous ne sommes plus dans le strict genre New Orleans de leurs débuts mais ce n'est pas moins réjouissant et c'est sans doute plus adapté aux goûts du jour. Ce sont des morceaux lancés par le cinéma que transforment ces meilleurs espoirs masculins. On ne reconnait plus trop les Haricots dans ce vigoureux «Ghostbusters». Christophe Deret s'y fait entendre brièvement en solo. La tradition Haricots n'est pas rejetée pour autant, il suffit d'écouter «Bye Bye Baby» tiré de Les hommes préfèrent les blondes, avec ses collectives menées par Pierre Jean au cornet et un excellent solo de clarinette. Il y a un beau duo clarinette et piano sur «Moon River». La touche antillaise qui fait partie du C.V. des Haricots se goûte dans «Qué sera sera» exposé par Montebruno avec les contrechants parfaits de Deret. Pierre Jean y prend un bon solo de piano. Pour ce qui est de «The Green Leaves of Summer» les Haricots ont été devancés notamment par Kenny Ball (1962). Je pense que c'est Pierre Jean qui nous gratifie d'un passage sifflé. Il y a du re-recording car il ne pourrait pas naturellement enchaîner aussi vite au cornet avec sourdine. Par contre l'adaptation antillaise de «quand on s'promène au bord de l'eau» est pour le moins inattendue. On est loin de la version de Jean Gabin dans le film La Belle Equipe de Julien Duvivier (1936). Christophe Deret et Jacques Montebruno s'en sortent bien. Pierre Jean expose avec feeling, au cornet, le merveilleux thème de Charlie Chaplin, «Smile», qui se prête naturellement au jazzisme. Christophe Deret y prend un beau solo autour du thème (belle assise d'Alain Huguet), puis Montebruno et Deret s'intriquent comme George Lewis et Jim Robinson savaient le faire avant que Pierre Jean les retrouve pour la coda. Un des meilleurs moments du disque. L'autre, sur tempo medium-vif, est «All I Do Is Dream of You» qui swingue bien, exposé par Deret. Montebruno fournit un solo enlevé d'alto qui rivalise sur le terrain de Sammy Rimington, puis Deret donne un solo robuste et Pierre Jean s'éclate au piano. Très bon; ça swingue. Avec la sourdine harmon, Pierre Jean ramène le calme dans «My Own True Love» tiré de Autant en emporte le vent (1939) exposé avec feeling. Christophe Deret sait phraser une ballade comme un Louis Nelson et les contrechants de Montebruno sont un délice. Michel Senamaud s'adonne au rythme parade dans «Je ne pourrai jamais vivre sans toi» de Michel Legrand tiré des Parapluies de Cherbourg (1964) et comme il se doit Alain Huguet y opte pour le tuba. Il y a du re-recording dans ce morceau joué en collective puisqu'on entend Montebruno à la fois à la clarinette et au saxophone (sans parler des bruits d'ambiance). Beau piano classique de Pierre Jean dans le romantique «Amour et printemps» d'Emile Waldteufel qui dure 1'04'' (laissez courir car il y a un curieux bonus orageux). Avec les Haricots Rouges ce n'est jamais triste. Et c'est aussi surprenant. »
Par Michel LAPLACE – JAZZ HOT