« Je connais Crackin' up par les Stones, mais où l'ai-je entendu ? Sûrement un de ces bootlegs que mon frère collectionnait. Le jaune citron avec cliché noir et blanc des jeunôts en gilet cuir ? Il y avait aussi Diddley daddy, I need you baby (aka Mona)… Ils avaient vraiment chopé le virus. Bo a joué avec les Stones en Angleterre à leurs débuts, il les aimait beaucoup. Même s'il trouvait qu'à un moment le public a « poussé Mick à devenir vulgaire sur scène ». Maintenant, quand j'entends Crackin' up, l'original, je ne peux pas m'empêcher de penser aux Specials. Qui ne l'ont pourtant pas repris, que je sache. Mais c'était un truc pour eux. Bo Diddley aussi avait le goût du damier. On a dit qu'il fut un papa pour les rappers (Say man, 1958). Il aurait donc aussi inventé le reggae ? Crackin' up n'est pas encore de la jamaïcaine pure. Mais ça roule et ricochète sur un tempo qui vous envoie dans les îles en moins de deux. Ne pas oublier : Ellas Bates est, comme le rappelle Bruno Blum dans les notes du coffret Frémeaux & Associés (The Indispensable Bo Diddley), « un pur produit de la créolité, sang-mêlé français, africain et indien Blackfoot ». Tout ce qu'il a produit est mélangé, à commencer par le diddley beat, que son créateur aimait comparer au gumbo, le fameux ragoût louisianais. C'était si bon que tout le monde venait laper. Parmi mes bodiddleries favorites, le Oh yeah des Shadows Of Knight, un Before you accuse me électrocuté des 13th Floor Elevators et la version en gelée de You can't judge a book by looking at the cover par les Yardbirds. Celle-là est de juin 1962, issue de la même séance qu'un Rock'n'roll assez saignant, avec un départ en onomatopées (et une voix dans la cabine : say babe, that ain't rock'n'roll, that's jazz !). Pour cette histoire de ne pas juger un livre à sa couverture, c'est non seulement une fichue bonne chanson, mais toute une philosophie. Celle de Bo, de sa musique et de tant d'autres. »
Par François GORIN - TELERAMA
Par François GORIN - TELERAMA