« Le volume 4 de L’Intégrale Henri Salvador (1956-1959) couvre une période particulièrement fructueuse du crooner. D’abord parce qu’elle est marquée par son travail avec un certain Boris Vian. Ensuite, parce qu’il signe quelques beaux hommages au blues. Et chante aussi dans la langue de Shakespeare. Ce nouveau coffret dédié à Henri Salvador contient quelques pépites du chanteur né à Cayenne en 1917. Notamment parce que l’on y découvre une rareté, retrouvée sur un 33 tours de 21 centimètres, un format rare et qui fut produit par la maison Information et Publicité. Il regroupe aussi bien des bouts de chroniques des radios telles que Radio Luxembourg et Radio Monte-Carlo que des extraits de feuilleton et différentes petites choses. Au détour, on y découvre Maurice Biraud qui donne la réplique à Henri Salvador pour parvenir à lui faire dire une pub vantant la lessive Pax. Et le tout en public. Ce qui permet de réentendre le célèbre rire du chanteur qui s’amuse même à scatter sur le sujet. L’époque est aussi celle où, copain comme cochon avec un certain Boris Vian, Salvador s’amuse à coucher en sa compagnie quelques jolies délires musicaux comme Rock and Roll Mops, le titre le plus fou fruit de leur collaboration; Va t’faire cuire un œuf, man ! ou encore La nuit va commencer. La mort de Boris en juin 1959 laissera Salvador un brin orphelin et il ne manquera jamais de rendre hommage à son copain comme le rapporte le texte fouillé accompagnant ce coffret. "Il avait un trop gros cerveau. Il n’était ni d’hier, ni d’aujourd’hui, mais de demain. Il a écrit des livres, des romans, des opéras, des pièces de théâtre. J’ai eu la chance de collaborer avec lui et il m’a appris des tas de choses. Il avait une grande emprise sur moi, une emprise très curieuse même : quand il venait à la maison, il n’avait qu’à me regarder pour que je me mette à trouver des thèmes de chanson." Dans ce coffret figurent d’autres moments magiques comme l’album de 1956, Salvador plays the blues, un petit régal de mélodies chaloupées où sa voix est d’une pureté incroyable répond au solo délicat de la guitare. Ou encore ces morceaux enregistrés avec un autre mordu du swing : Michel Legrand. En anglais enfin, Salvador chante comme un crooner d’outre-Atlantique en compagnie du Bill McGuffie Quintet, avec des morceaux splendides comme It’s Summertime et That is the dream. Bien sûr, on entend aussi Henri jouant de la guitare pour s’accompagner sur Dans mon île et Je peux pas travailler. Salvador qui racontait dans Attention ma Vie (Ed. Jean-Claude Lattès) en 1994 : "Je dois avouer que Django (Reinhardt) ne fut pourtant pas le maître qui me servit de modèle. Je lui vouais un culte, mais un autre guitariste me fascinait et c’est lui qui m’a tout appris dans ses disques. Il s’appelait Albert Casey et comme moi, ou du moins comme moi l’imitant, il jouait tout en accords." Fan de toutes les musiques, Henri Salvador ne pouvait pas passer à côté d’une autre musique métisse, cette calypso qui fleure bon la Caraïbe et qu’un Harry Belafonte a aussi popularisé de sa voix de velours. Et, sans perdre son sens de l’humour, Salvador sacrifie aussi à cette vogue avec des chansons comme Oh! si y avait pas ton père, un portrait pas vraiment cordial d’un futur beau-père. In fine, ce coffret très riche passe en revue des années très fécondes d’un Henri Salvador qui chantait comme il respirait. »
Par François CARDINALI - CHANT...SONGS