"Le tome 9, triple comme ses collègues précédents, couvre la période 1938-1941 de la vie de Louis Armstrong et comme les précédents, il se révèle une mine de trésors réalisés par celui à qui l'on doit en quelque sorte le jazz moderne.
Car tous les développements du jazz, une fois qu'il est sorti de l'improvisation collective de la Nouvelle-Orléans, vient du fait que ce trompettiste de génie est passé devant les autres et a créé le soliste, le leader, la vedette. Dans ces années 1938 à 1941, Louis Armstrong enregistre peu, il revient d'une tournée exténuante en Europe (1933-1935), il a les lèvres massacrées par son instrument (il en a profité pour chanter davantage) et il tourne dans quelques films. Ce tome 9 s'intitule « Jeepers Creepers » du fait que quatre versions de ce titre existent sur le disque 1, deux versions du film, une de la radio et une du disque. Le film, éponyme, n'était qu'un prétexte (un cheval de course qui ne gagne que quand Louis, garçon d'écurie, joue de la trompette (le code Hayes interdisait la présence simultanée à l'écran de Blancs et de Noirs, exception faite pour les subalternes, pour éviter de choquer les âmes sensibles, ô libre Amérique pas si ancienne que ça !). Mais les chercheurs de chez Frémeaux ont déniché de petits bijoux comme les émissions de radio de Martin Block, où jouaient ensemble Louis, Jack Teagarden (tb), Bud Freeman (ts), Fats Waller (p) et Al Casey (g). Mystère pour le batteur qui pourrait être Zutty Singleton, allez savoir. Trouvailles encore pour le concert de Noël à Carnegie Hall, ou pour celui avec l'orchestre du Casa Loma. Louis Armstrong, fatigué, se remet petit à petit et son orchestre désormais comprend des monstres comme Red Allen (tp), Wilbur De Paris (tb) Higginbotham (tb) Albert Nicholas (ts, cl), Luis Russell (p), Pops Foster (b) et Sidney Catlett (dm) entre autres (écoutez son « Heah Me Talkin' To Ya », qui n'appartient pas qu'à De Niro). Le disque 2 le voit entre autres avec l'orchestre de Benny Goodman (Benny à la clarinette, c'est sûr, et des gens comme Ziggy Elman (tp), Fletcher Anderson (p) ou Lionel Hampton (vib) aux pupitres, on croit rêver !). Quelle époque ! Une perle, « You're a Lucky Guy ») et une rareté : le disque gravé pour l'anniversaire de son ami Bing Crosby ! Sur le disque 3, plusieurs merveilles, entre autres, « Cain and Abel » avec son orchestre et « I Cover the Waterfront », « Hey Lawdy Mama » ou « Do You Call That a Buddy » avec son Hot Seven. Du pur Armstrong, émouvant, sensible et tellement universel ! Et puis, la confrontation Louis Armstrong – Sidney Béchet qui nous donne à entendre les deux géants aux prises l'un avec l'autre, y compris sur deux versions de « Down in Honky Town », une occasion pour écouter, derrière, le délicieux et trop oublié guitariste Bernard Addison. Les rencontres avec les Mills Brothers, du coup, cinq plages disséminées dans le coffret, paraissent anecdotiques. Encore une fois, ce coffret de l'Intégrale Louis Armstrong est une réussite. Si l'on vous demande : « Quoi de neuf en jazz ? », vous avez peu de risque de commettre un impair en répondant : « l'Intégrale Armstrong ! »."
par Michel BEDIN - ON-MAG
Car tous les développements du jazz, une fois qu'il est sorti de l'improvisation collective de la Nouvelle-Orléans, vient du fait que ce trompettiste de génie est passé devant les autres et a créé le soliste, le leader, la vedette. Dans ces années 1938 à 1941, Louis Armstrong enregistre peu, il revient d'une tournée exténuante en Europe (1933-1935), il a les lèvres massacrées par son instrument (il en a profité pour chanter davantage) et il tourne dans quelques films. Ce tome 9 s'intitule « Jeepers Creepers » du fait que quatre versions de ce titre existent sur le disque 1, deux versions du film, une de la radio et une du disque. Le film, éponyme, n'était qu'un prétexte (un cheval de course qui ne gagne que quand Louis, garçon d'écurie, joue de la trompette (le code Hayes interdisait la présence simultanée à l'écran de Blancs et de Noirs, exception faite pour les subalternes, pour éviter de choquer les âmes sensibles, ô libre Amérique pas si ancienne que ça !). Mais les chercheurs de chez Frémeaux ont déniché de petits bijoux comme les émissions de radio de Martin Block, où jouaient ensemble Louis, Jack Teagarden (tb), Bud Freeman (ts), Fats Waller (p) et Al Casey (g). Mystère pour le batteur qui pourrait être Zutty Singleton, allez savoir. Trouvailles encore pour le concert de Noël à Carnegie Hall, ou pour celui avec l'orchestre du Casa Loma. Louis Armstrong, fatigué, se remet petit à petit et son orchestre désormais comprend des monstres comme Red Allen (tp), Wilbur De Paris (tb) Higginbotham (tb) Albert Nicholas (ts, cl), Luis Russell (p), Pops Foster (b) et Sidney Catlett (dm) entre autres (écoutez son « Heah Me Talkin' To Ya », qui n'appartient pas qu'à De Niro). Le disque 2 le voit entre autres avec l'orchestre de Benny Goodman (Benny à la clarinette, c'est sûr, et des gens comme Ziggy Elman (tp), Fletcher Anderson (p) ou Lionel Hampton (vib) aux pupitres, on croit rêver !). Quelle époque ! Une perle, « You're a Lucky Guy ») et une rareté : le disque gravé pour l'anniversaire de son ami Bing Crosby ! Sur le disque 3, plusieurs merveilles, entre autres, « Cain and Abel » avec son orchestre et « I Cover the Waterfront », « Hey Lawdy Mama » ou « Do You Call That a Buddy » avec son Hot Seven. Du pur Armstrong, émouvant, sensible et tellement universel ! Et puis, la confrontation Louis Armstrong – Sidney Béchet qui nous donne à entendre les deux géants aux prises l'un avec l'autre, y compris sur deux versions de « Down in Honky Town », une occasion pour écouter, derrière, le délicieux et trop oublié guitariste Bernard Addison. Les rencontres avec les Mills Brothers, du coup, cinq plages disséminées dans le coffret, paraissent anecdotiques. Encore une fois, ce coffret de l'Intégrale Louis Armstrong est une réussite. Si l'on vous demande : « Quoi de neuf en jazz ? », vous avez peu de risque de commettre un impair en répondant : « l'Intégrale Armstrong ! »."
par Michel BEDIN - ON-MAG