« Cette parution qui constitue un événement » par Jazz-Dixie/Swing

Ces trois CD sont une belle réussite venant couronner un énorme travail. Laurent Verdeaux et l’ingénieur du son Didier Périer ont traité 71 morceaux enregistrés par Fletcher Henderson et son orchestre entre 1923 et 1941. Les moyens technologiques utilisés ont permis de mieux distinguer les instruments les uns des autres et de fournir un rendu à partir duquel il a été possible de restituer une image sonore au plus près de ce que devait projeter l’orchestre. Ce qui est remarquable, c’est que ce progrès dans la définition des timbres, la netteté des attaques, les intonations individuelles ne s’est pas fait, bien au contraire, au détriment de la cohérence et de l’homogénéité de l’ensemble qui gagne en impact et en brillant. C’est à la fois l’expression des solistes et le son global qui se trouvent régénérés. (…) Mais revenons à nos trompettes. Les principaux sont bien sûr Louis Armstrong, Joe Smith, Tommy Ladnier, Rex Stewart, Bobby Stark, Roy Eldridge, mais sont aussi présents Red Allen, Emmett Berry, Peanuts Holland, auxquels s’ajoutent Russell Smith, le frère de Joe, qui occupe la chaire de premier trompette de 1925 à 1934, Irving Randolph, la paire Elmer Chambers/Howard Scott qui, en 1923 et 1924, avant et pendant le passage d’Armstrong, firent le job avec efficacité, et six ou sept autres (dont Ray Nance) qu’on n’entend pas en solo, dans les enregistrements de 1936 à 1941. Les plus marquants sont à l’évidence Louis Armstrong, qui joua chez Fletcher en 24-25 ; (…) Il dynamise l’orchestre par son jeu hot et son swing, qui influencera l’expression musicale des autres solistes, notamment Coleman Hawkins, qui se met à développer un style spécifique pour le sax ténor. Lui aussi bénéficie de la clarté apportée par le traitement des docteurs Verdeaux Et Périer. (…) C’est un vrai régal, et ceci est valable pour tous les morceaux, à des degrés divers en fonction des enregistrements d’origine, mais toujours avec un résultat convaincant. Notons que ces trois CDs comportent aussi des enregistrements avec des chanteuses (Ma Rainey, Bessie Smith, Trixie Smith, Clara Smith, Ethel Waters), accompagnées par de petites formations issues de l’orchestre de Fletcher, et bénéficiant du même traitement. Ajoutons enfin que les CDs sont livrés avec un livret de 24 pages, fort bien conçu et riche en informations, avec précisions sur le personnel, dates, etc., qui retrace l’histoire de l’orchestre de 1923 à 1941, et fournit une intéressante analyse de la personnalité de Fletcher Henderson. Ces trois CDs mériteraient certes un compte-rendu morceau par morceau, ainsi qu’une étude de tous les tandems de trompettes (notamment Rex Stewart/Bobby Stark), mais le cadre de cette chronique ne le permet pas. En tous cas, leur parution constitue un événement, et on n’a pas fini d’en parler. Bravo aux initiateurs et réalisateurs de ce projet, et à Frémeaux qui en a permis la concrétisation. Voici une acquisition obligatoire pour tous les amateurs de cette musique.
Par Michel MARCHETEAU – JAZZ-DIXIE/SWING