« Qu’on ne s’y trompe pas. Ce double album est avant tout une collection de documents culturels et non pas un objet artistique au sens où nous l’entendons habituellement. Ceci posé, reste que le double CD (et son admirable livret !) se lisent et s’écoutent comme un formidable livre d’aventures. C’est une plongée dans un monde post-esclavagiste qui nous permet d’entrevoir ce qu’a pu et ce qu’a dû être la vie des esclaves afro-américains. Une vie déculturée, sans perspectives d’avenir, s’accrochant aux lambeaux des religions ancestrales et les mariant avec les religions et les idées politiques nouvelles dans un syncrétisme étonnant. Cela nous donne une idée de ce que furent les fameuses bamboulas de Congo Square à New Orleans, qui donnèrent naissance au jazz, et surtout les clés pour comprendre le mouvement rastafari qui donna naissance au reggae. Les rites de possession, le vaudou, les zombies, ont toujours fasciné le public. On les entend ici à l’œuvre, indéniablement africains, festifs, mais fondamentalement mystiques, servant autant à souder les communautés qu’à les soigner, à servir qu’à se servir des esprits. Les différends entre les nombreuses églises (l’Eglise des Blancs étant disqualifiée par nature), l’éthiopianisme (l’influence de Marcus Garvey y a été énorme), le recours à l’alcool, aux drogues et à la surventilation pour mieux atteindre la transe, tout cela est expliqué avec précision dans un livret passionnant. La fin du second CD, qui retrace les débuts des ancêtres du reggae (mento, etc) rappelleront des airs connus (« Mathilda ») aux admirateurs de Harry Belafonte. Tous ceux qui s’intéressent à ces cultures seront fascinés par ces documents extraordinaires. Quant aux profs qui souhaitent enseigner l’histoire de l’esclavage, ils seront aux anges. Pour ceux qui préfèrent le disco, je crois qu’ils feraient bien de passer leur chemin, y’a rien à voir. »
Par Michel BEDIN - ON MAG
Par Michel BEDIN - ON MAG