« Coffret indispensable » par Rock & Folk

Ok le graphisme chez Frémeaux n’est pas des plus bandants, et ces gros boîtiers en plastique contenant deux ou trois CD semblent avoir été stockés vers 1988. Mais pour le son et le travail de compilation, ces gens rivalisent avec la crème internationale, de type Bear Family ou Rhino, il y a vingt ans. Le dernier coffret copieux dédié à Gene Vincent (Capitol/Emi), remontant au début des années 90, il va sans dire qu’il y a un sacré manque. Et voici que ces maniaques de la restauration sortent, comme ça, 68 titres du grand rocker à la jambe raide, captés pendant sa période dorée, entre 1956 et 1958 – oui, vous avez bien lu, 68 titres gravés en 24 mois – pour le studio Capitol, réputés pour la qualité sonore de leurs enregistrements. Frémeaux & Associés en livre une version inouï, une leçon humiliante de haute-fidélité. Voici enfin Gene et ses Blue Caps, tels qu’on ne les avaient jamais entendus. Il y a d’abord la période avec Cliff Gallup, le guitariste fou, qui jouait d’ailleurs de manière très jazz et chorussait comme un boppeur, citant des bouts de morceaux connus durant ses improvisations, avec un swing extraordinaire. Une poignée de titres classiques et de solos déments sont gravés, changeant la face du rock’n’roll a jamais. Quelques mois plus tard Johnny Meeks le remplace. Il ne faut pas le sous-estimer ; plus rock’n’roll, moins délicat, il fait, lui aussi, des merveilles. Le tout baigne dans l’écho phénoménal des studios Capitol, la voix de Gene est alors inégalable de pureté. Entre les rockabilly furieux, emmenés sur des tempos inédits à l’époque (« Jump Back, Honey, Jump Back », « Who slaped John », « Race with the Devil », « Bluejean Bop » ou le frénétique « B-I-Bickey-Bi, Bo-Bo-Go ») se calent avec une grâce inégalée certains des plus belles ballades de la période fifties. On est encore traumatisé par plusieurs de ces pépites : « Time Will Bring You Everything », « You Belong To Me », « Waltz Of The Wind », « You’ll Never Walk Alone » ou « Important Words ». Là, la voix de Vincent Eugene Craddock devient celle d’un ange, tandis que le vibrato des stratocaster place des flèches dans le cœur. L’étoile de Gene Vincent n’a pas brûlé durablement, sans doute parce que son répertoire, aussi fabuleux soit-il, manquait de tubes rivalisant avec ceux d’Elvis, de Buddy Holly ou de son ami Eddy Cochran ; à l’exception de « Be-Bop-A-Lula », rien ne pouvait toucher les masses comme l’ont fait « Heartbreak Hotel », « Peggy Sue » ou « Twenty Flight Rock ». Mais tout de même, quelle classe… Coffret indispensable. ROCK & FOLK