Depuis les années 60, Deben Bhattacharya suit la trace du flamenco aussi bien dans les chants gitans que dans ceux du Rajasthan en Inde. Portrait d’un grand passionné.
« La musique n’est pas faite pour être analysée, elle est jouée pour le plaisir d’être écoutée », explique Deben Bhattacharya, l’un des plus grands collecteurs de musiques du monde depuis presque cinquante ans. Son appartement parisien, rempli de 700 heures d’enregistrements, d’une trentaine de courts métrages et tapissé de 1 500 photos de voyages autour du globe, est un véritable musée sonore !
Originaire du Bengale, né dans une famille de professeurs de sanscrit, Deben Bhattacharya grandit dans la ville sainte de Bénarès. Il fait ses études dans une école sanscrite et non dans une école anglaise, sa famille étant anticolonialiste. Comme un nomade, il parcourt l’Inde. En 1949, il part à Londres pour travailler comme journaliste-producteur indépendant au service des programmes de langue indienne de la BBC, où il devient l’un des premiers journalistes à faire des émissions régulières sur les musiques indiennes. Trois ans plus tard, ses passions musicales sont découvertes par le label Argo chez Decca à Londres, qui lui offre un enregistreur semi portable… de 35 kilos. Ainsi, tel un « enregistreur-troubadour », il voyage à travers le monde, à la recherche des sons qui font vibrer les cœurs. Au retour de chaque voyage, il produit des émissions, écrit des livres et produit des disques. Dès qu’il a gagné assez d’argent pour repartir, il se lance dans de nouvelles aventures. Pour une série d’enregistrements chez EMI en 1955, il part de Londres en voiture pour aller jusqu’en Inde en passant par l’Europe de l’Est, le Turquie, l’Iran et l’Afghanistan. Le voyage durera neuf mois. 3les plus beaux souvenirs que je garde de ces collectages sont les musiciens qui ont chanté et joué devant mon micro », raconte-t-il.
Depuis les années 60, il a publié des centaines de 33-tours en France (La Boîte à Musique, Le Club français du disque) et aux Pays-Bas (Philips). Dans les années soixante-dix, après avoir travaillé sur le thème du silence dans les musiques du monde pour Pierre Schaeffer, spécialiste de musique concrète, il s’installe à Paris, la ville étant considérée comme la plaque tournante des musiques du monde.
Ce passionné, qui n’a jamais prétendu être ni ethnomusicologue ni académicien, a non seulement enregistré les musiciens des rues, des souks et des mariages, mais il a aussi réalisé une centaine de courts métrages qui, malheureusement, sont pour la plupart toujours archivés dans son bureau-musée. Deben Bhattacharya est resté à l’écart des scènes de la world music jusqu’à ce que le label Frémeaux & Associés entreprenne en 1996 la réédition en coffrets de 2 CD de ces précieux enregistrements. Depuis, quatre coffrets, qui sont autant de chefs-d’œuvre éditoriaux, avec leur riche iconographie et des livrets truffés d’informations, sont paru sous le titre « The Deben Bhattacharya Collection » : Music of China, Muslim Music from Europe and Asia, Music of India et Music on the Gypsy Route.
Music on the Gypsy Route est une vraie merveille. Ses 28 plages sont un magnifique voyage à travers les musiques nomades, de l’Asie à l’Europe. Grâce à ses enregistrements des années 60, Bhattacharya avait montré, bien avant d’autres chercheurs et le cinéaste Tony Gatlif dans son film Latcho Drom, qu’il y a une continuité entre la musique des Rajasthanais de l’Inde, celles des Tsiganes d’Europe de l’Est et le flamenco espagnol. « Inspiré du livre La Tente de Sara de l’écrivain irlandais Walter Starkie en 1953, comme un nomade j’ai suivi la trace des gitans dans le monde », témoigne celui qui se qualifie lui-même de « nomade du no man’s land ». Son livre-disque The Gypsies, publié dans la collection « Sound Picture Series » en 1965, est le témoignage de ces années de recherches. Pour Bhattacharya, les musiques du monde ne sont pas quelque chose que l’on conserve comme « une épice dans la cuisine », mais un matériau vivant qui donne du goût à la vie. Infatigable, il continue encore aujourd’hui, à soixante-seize ans, d’enregistrer et de filmer ses vieux compagnons de route, les musiciens du monde, et de se ressourcer dans ces goûts épicés.
Mina RAD – LE MONDE DE LA MUSIQUE
« La musique n’est pas faite pour être analysée, elle est jouée pour le plaisir d’être écoutée », explique Deben Bhattacharya, l’un des plus grands collecteurs de musiques du monde depuis presque cinquante ans. Son appartement parisien, rempli de 700 heures d’enregistrements, d’une trentaine de courts métrages et tapissé de 1 500 photos de voyages autour du globe, est un véritable musée sonore !
Originaire du Bengale, né dans une famille de professeurs de sanscrit, Deben Bhattacharya grandit dans la ville sainte de Bénarès. Il fait ses études dans une école sanscrite et non dans une école anglaise, sa famille étant anticolonialiste. Comme un nomade, il parcourt l’Inde. En 1949, il part à Londres pour travailler comme journaliste-producteur indépendant au service des programmes de langue indienne de la BBC, où il devient l’un des premiers journalistes à faire des émissions régulières sur les musiques indiennes. Trois ans plus tard, ses passions musicales sont découvertes par le label Argo chez Decca à Londres, qui lui offre un enregistreur semi portable… de 35 kilos. Ainsi, tel un « enregistreur-troubadour », il voyage à travers le monde, à la recherche des sons qui font vibrer les cœurs. Au retour de chaque voyage, il produit des émissions, écrit des livres et produit des disques. Dès qu’il a gagné assez d’argent pour repartir, il se lance dans de nouvelles aventures. Pour une série d’enregistrements chez EMI en 1955, il part de Londres en voiture pour aller jusqu’en Inde en passant par l’Europe de l’Est, le Turquie, l’Iran et l’Afghanistan. Le voyage durera neuf mois. 3les plus beaux souvenirs que je garde de ces collectages sont les musiciens qui ont chanté et joué devant mon micro », raconte-t-il.
Depuis les années 60, il a publié des centaines de 33-tours en France (La Boîte à Musique, Le Club français du disque) et aux Pays-Bas (Philips). Dans les années soixante-dix, après avoir travaillé sur le thème du silence dans les musiques du monde pour Pierre Schaeffer, spécialiste de musique concrète, il s’installe à Paris, la ville étant considérée comme la plaque tournante des musiques du monde.
Ce passionné, qui n’a jamais prétendu être ni ethnomusicologue ni académicien, a non seulement enregistré les musiciens des rues, des souks et des mariages, mais il a aussi réalisé une centaine de courts métrages qui, malheureusement, sont pour la plupart toujours archivés dans son bureau-musée. Deben Bhattacharya est resté à l’écart des scènes de la world music jusqu’à ce que le label Frémeaux & Associés entreprenne en 1996 la réédition en coffrets de 2 CD de ces précieux enregistrements. Depuis, quatre coffrets, qui sont autant de chefs-d’œuvre éditoriaux, avec leur riche iconographie et des livrets truffés d’informations, sont paru sous le titre « The Deben Bhattacharya Collection » : Music of China, Muslim Music from Europe and Asia, Music of India et Music on the Gypsy Route.
Music on the Gypsy Route est une vraie merveille. Ses 28 plages sont un magnifique voyage à travers les musiques nomades, de l’Asie à l’Europe. Grâce à ses enregistrements des années 60, Bhattacharya avait montré, bien avant d’autres chercheurs et le cinéaste Tony Gatlif dans son film Latcho Drom, qu’il y a une continuité entre la musique des Rajasthanais de l’Inde, celles des Tsiganes d’Europe de l’Est et le flamenco espagnol. « Inspiré du livre La Tente de Sara de l’écrivain irlandais Walter Starkie en 1953, comme un nomade j’ai suivi la trace des gitans dans le monde », témoigne celui qui se qualifie lui-même de « nomade du no man’s land ». Son livre-disque The Gypsies, publié dans la collection « Sound Picture Series » en 1965, est le témoignage de ces années de recherches. Pour Bhattacharya, les musiques du monde ne sont pas quelque chose que l’on conserve comme « une épice dans la cuisine », mais un matériau vivant qui donne du goût à la vie. Infatigable, il continue encore aujourd’hui, à soixante-seize ans, d’enregistrer et de filmer ses vieux compagnons de route, les musiciens du monde, et de se ressourcer dans ces goûts épicés.
Mina RAD – LE MONDE DE LA MUSIQUE