Frémeaux & Associés mettent à jour la fabuleuse collection des enregistrements de Deben Bhattacharya, baroudeur indien et premier musicologue à avoir tracer la route des gitans de Londres à Bénarès en 1954…
C’est l’une des plus belles collections world de la rentrée. La Deben Bhattacharya Collection de Frémeaux & Associés sort ce 27 octobre : Music on the Gypsy Route Volume I, troisième double CD d’une anthologie unique au monde, composée de témoignages musicaux aussi exceptionnels que les Soleares des pèlerins andalous rassemblés aux Saintes-Maries-de-la-Mer le 24 mai 1955 à l’occasion de la fête de leur sainte patronne Sara, vierge noire, ou encore le Bujhi oi sudure, un chant méditatif interprété par l’écrivain bengali Rabindranath Tagore, lors d’un concert organisé dans un camp de réfugiés à Calcutta, en 1972, juste après la partition de Bengale.
Amorcée en juin dernier avec Music of China, Volume I et Music of India, Volume I, cette collection devrait séduire tous les amateurs d’enregistrements rares, d’instruments exotiques et de civilisations oubliées… A l’origine de ce projet, Deben Bhattacharya, 75 ans, sillonne depuis plus de quarante ans les villages d’Europe et d’Asie, de Séville à Shangaï. Bengali originaire de Bénarès, Deben débarque en Europe pour la première fois en 1949, à Londres, où il est d’abord porteur dans un magasin de disques puis producteur pour la BBC outre-mer. Dès 1952, il devient producteur « free lance » et prépare pour la radio un programme musical qu’il enregistre lui-même en Inde avec son magnétophone Baird. La série fera l’objet d’un premier disque : Musique traditionnelle de l’Inde, publié chez Boîte à Musique.
En 1954, il dégote un contrat avec Contrepoint/Vogue pour enregistrer en Camargue Gitans en pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Le disque est à peine paru (c’est alors l’album-culte d’une jeune écrivaine célèbre : Françoise Sagan), que Deben est déjà en Andalousie pour EMI. Une route qui le mènera, en fourgonnette, jusque Bénarès via Bucarest et les déserts du Moyen-Orient. De chaque voyage, il garde une multitude d’enregistrements réalisés dans les villages les plus reculés, où l’électricité se fait rare. Dans ces conditions, il recharge son magnéto sur les batteries de son véhicule. Quant à son passeport indien, il est bien utile pour calmer le jeu dans les pays de l’Est, où la police politique suspecte les curieux venus de l’étranger.
Depuis, ce baroudeur passionné, également photographe, auteur de documentaires et traducteur de livres de poésie médiévale indienne, a fait des dizaines d’autres voyages et réalisé plus de 140 disques enregistrés dans une trentaine de pays. Ses disques, pour la plupart des vinyles, sont sortis sous une multitude d’étiquettes, Philips, HMV & Columbia, Ocora, Argo, AZ, Supraphone, etc. « Le seul moyen de financer mes voyages , c’était de les faire pour plusieurs compagnies en même temps » explique Deben, qui a toujours jalousement préservé son indépendance. Maintenant, il constate par ailleurs qu’il a eu de la chance de commencer dans les années 50 : « A l’époque, les maisons de disques n’hésitaient pas à me confier une avance financière pour partir au bout du monde. De nos jours, il faut soit être ethnomusicologue et se rendre dans un endroit précis avec la bénédiction d’une université, soit être producteur exclusif pour une grosse maison et partir avec des objectifs commerciaux. Les rapports avec les maisons de disques sont devenue « strictly business ». Pourtant, je n’ai jamais été producteur au sens propre, ni musicologue. Je suis collectionneur. »
Chez Frémeaux & Associés, Deben sortira bientôt Muslim Music from Europe & Asia, une compilation de multiples excursions dans les Balkans, en URSS et en Afghanistan depuis 1964. On y trouvera, entre autres bijoux chers à Deben, des enregistrements réalisés à Sarajevo du temps où Serbes, Juifs et musulmans chantaient naturellement en chœur… Aujourd’hui, l’impressionnant catalogue de Deben est également réédité chez Vista India, un label basé dans le New Jersey et dirigé par Suri Gopalan, un jeune indien qui destine la plupart de ses productions à la diaspora indienne d’Amérique du Nord. En Allemagne, c’est la label world New Earth Records qui a récemment sorti trois CD thématiques dédiés aux découvertes de Deben : Roots, Devotion et Spirit, trois albums respectivement consacrés aux chants d’amour, aux musiques religieuses et à une sélection de traditionnels asiatiques. Les deux labels sont distribués par Night & Day en Europe. Basé à Paris depuis une trentaine d’années, Deben a ainsi été redécouvert par Frémeaux & Associés... Mais le vieux baroudeur n’est pas à une extravagance près. A ce jour, il ne parle toujours pas le français courant… Il n’a pas encore eu le temps de s’y mettre !
Alexis CAMPION – MUSIQUE INFO HEBDO
C’est l’une des plus belles collections world de la rentrée. La Deben Bhattacharya Collection de Frémeaux & Associés sort ce 27 octobre : Music on the Gypsy Route Volume I, troisième double CD d’une anthologie unique au monde, composée de témoignages musicaux aussi exceptionnels que les Soleares des pèlerins andalous rassemblés aux Saintes-Maries-de-la-Mer le 24 mai 1955 à l’occasion de la fête de leur sainte patronne Sara, vierge noire, ou encore le Bujhi oi sudure, un chant méditatif interprété par l’écrivain bengali Rabindranath Tagore, lors d’un concert organisé dans un camp de réfugiés à Calcutta, en 1972, juste après la partition de Bengale.
Amorcée en juin dernier avec Music of China, Volume I et Music of India, Volume I, cette collection devrait séduire tous les amateurs d’enregistrements rares, d’instruments exotiques et de civilisations oubliées… A l’origine de ce projet, Deben Bhattacharya, 75 ans, sillonne depuis plus de quarante ans les villages d’Europe et d’Asie, de Séville à Shangaï. Bengali originaire de Bénarès, Deben débarque en Europe pour la première fois en 1949, à Londres, où il est d’abord porteur dans un magasin de disques puis producteur pour la BBC outre-mer. Dès 1952, il devient producteur « free lance » et prépare pour la radio un programme musical qu’il enregistre lui-même en Inde avec son magnétophone Baird. La série fera l’objet d’un premier disque : Musique traditionnelle de l’Inde, publié chez Boîte à Musique.
En 1954, il dégote un contrat avec Contrepoint/Vogue pour enregistrer en Camargue Gitans en pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Le disque est à peine paru (c’est alors l’album-culte d’une jeune écrivaine célèbre : Françoise Sagan), que Deben est déjà en Andalousie pour EMI. Une route qui le mènera, en fourgonnette, jusque Bénarès via Bucarest et les déserts du Moyen-Orient. De chaque voyage, il garde une multitude d’enregistrements réalisés dans les villages les plus reculés, où l’électricité se fait rare. Dans ces conditions, il recharge son magnéto sur les batteries de son véhicule. Quant à son passeport indien, il est bien utile pour calmer le jeu dans les pays de l’Est, où la police politique suspecte les curieux venus de l’étranger.
Depuis, ce baroudeur passionné, également photographe, auteur de documentaires et traducteur de livres de poésie médiévale indienne, a fait des dizaines d’autres voyages et réalisé plus de 140 disques enregistrés dans une trentaine de pays. Ses disques, pour la plupart des vinyles, sont sortis sous une multitude d’étiquettes, Philips, HMV & Columbia, Ocora, Argo, AZ, Supraphone, etc. « Le seul moyen de financer mes voyages , c’était de les faire pour plusieurs compagnies en même temps » explique Deben, qui a toujours jalousement préservé son indépendance. Maintenant, il constate par ailleurs qu’il a eu de la chance de commencer dans les années 50 : « A l’époque, les maisons de disques n’hésitaient pas à me confier une avance financière pour partir au bout du monde. De nos jours, il faut soit être ethnomusicologue et se rendre dans un endroit précis avec la bénédiction d’une université, soit être producteur exclusif pour une grosse maison et partir avec des objectifs commerciaux. Les rapports avec les maisons de disques sont devenue « strictly business ». Pourtant, je n’ai jamais été producteur au sens propre, ni musicologue. Je suis collectionneur. »
Chez Frémeaux & Associés, Deben sortira bientôt Muslim Music from Europe & Asia, une compilation de multiples excursions dans les Balkans, en URSS et en Afghanistan depuis 1964. On y trouvera, entre autres bijoux chers à Deben, des enregistrements réalisés à Sarajevo du temps où Serbes, Juifs et musulmans chantaient naturellement en chœur… Aujourd’hui, l’impressionnant catalogue de Deben est également réédité chez Vista India, un label basé dans le New Jersey et dirigé par Suri Gopalan, un jeune indien qui destine la plupart de ses productions à la diaspora indienne d’Amérique du Nord. En Allemagne, c’est la label world New Earth Records qui a récemment sorti trois CD thématiques dédiés aux découvertes de Deben : Roots, Devotion et Spirit, trois albums respectivement consacrés aux chants d’amour, aux musiques religieuses et à une sélection de traditionnels asiatiques. Les deux labels sont distribués par Night & Day en Europe. Basé à Paris depuis une trentaine d’années, Deben a ainsi été redécouvert par Frémeaux & Associés... Mais le vieux baroudeur n’est pas à une extravagance près. A ce jour, il ne parle toujours pas le français courant… Il n’a pas encore eu le temps de s’y mettre !
Alexis CAMPION – MUSIQUE INFO HEBDO