Passant facilement du rire aux larmes, brouillant les frontières entre sa vie privée et ce qu’elle offre au public, Edith Piaf (1915-1963) marque si profondément le public que, le jour des ses obsèques , une foule immense descend dans la rue en signe de reconnaissance. Piaf représente pour la chanson réaliste ce que Django Reinhardt est au jazz manouche. Une perfection, un modèle. En concert, elle a cette faculté rare d’emmener le public dans son monde romanesque. Sa sensibilité aux choses de l’amour et de la vie, sa sincérité, donnent à son tour de chant une dimension unique. D’un corps si frêle émane une voix puissante. Puissance du volume, certes, mais aussi puissance émotionnelle. Les artistes ancrés dans le terroir sont en général les moins bien placés pour l’exportation, le public étranger ne possédant pas les références culturelles à une bonne appréciation. Edith Piaf fait exception. Ce qui véhicule sa voix se ressent par-delà le sens des paroles. Son chant est perçu comme un instrument de musique. Elle en joue avec un sentiment qui ne connaît pas les frontières. Comme celui d’Oum Kalsoum ou de la Callas, son art atteint l’universalité et le statut de légende. D’où le succès américain de « La Môme » (2007), film d’Olivier Dahan où Marion Cotillard incarne la chanteuse. Les enregistrements en public sont capitaux et de précieux témoignages de ce talent. En plus des captations effectuées par Pathé, il en existe d’autres dues à Europe N°1, d’où ce CD double (41 plages, livret 12p. français –anglais). Le premier volet fait entendre Edith Piaf à l’Olympia le 20 mars 1958, septembre 1958 (uniquement « L’Homme A La Moto ») et le 10 octobre 1962. L’orchestre est dirigé par Robert Chauvigny puis par Jean Leccia. Des titres moins célèbres, « Roulez Tambours » (musique de Francis Lai), « Le Diable De La Bastille » (Pierre Delanoë & Charles Dumont) ou « Le Billard Electrique » (la rage du flipper !) se mêlent aux succès « La Foule », « Mon Manège A Moi », « C’Est A Hambourg », « Hymne A L’Amour », « A Quoi Ça Sert L’Amour » (avec Théo Sarapo, épousé la veille) , « Milord »…Les archives du second CD proviennent de l’émission « Edith Piaf et ses amis », réalisée au domicile de l’artiste, boulevard Lannes (1960-61). On l’entend ici dans les chansons mais également évoquer ses premières années, les rengaines anciennes qu’elle interprétait avec un porte voix ; son admiration pour Maris Dubas ; sa relation avec les Compagnons de la Chanson, Jacques Prévert… Ses amis, Jean Cocteau, Joseph Kessel, Michel Rivgauche, Charles Dumont ou Pierre Brasseur, participent à l’émission. Et on découvre Edith Piaf s’essayant à « Non, Je Ne Regrette Rien » en allemand !
Par Jean-William THOURY – JUKE BOX MAGAZINE
Par Jean-William THOURY – JUKE BOX MAGAZINE