« Le guitariste de swing manouche Pierre « Kamlo » Barré (Kamlo - le Gentil en rom - étant son nom « de voyage », comme Django l’était pour Jean Reinhardt), Kamlo Barré donc, est ce que j’appelle avec infiniment de respect « un artiste », et ils ne sont pas si nombreux que ça. Un artiste, c’est-à-dire quelqu’un qui vit avant tout pour la musique, et accessoirement, de la musique. Les CDs qu’il a sortis se comptent sur les doigts d’une main, et encore. Mais ce sont tous des bijoux. Sur celui-ci, il a réuni d’autres artistes, aussi discrets et talentueux que lui, et certains qui me sont particulièrement chers Tout d’abord, les frères Reinhardt (rien à voir avec Django, sinon le talent), une pompe d’enfer, d’une puissance et d’une précision rares. Nous les avions rencontrés avec le grand guitariste Romane, lui aussi, un habité par le swing manouche. Ensuite, le prodigieux Claude Mouton à la contrebasse. Ecoutez ses solos à l’archet sur «Valse du Sud » ou sur « Valse pour Jeannette », ils sont parfaits, inventifs, surprenants et tellement swinguants. Car une valse peut swinguer, la preuve. Sur ce CD, huit compositions de lui, une adaptation d’un morceau de Farid El Atrache (eh oui), un morceau de Django, (« Hungaria ») parce que c’est comme une formule de politesse dans ce milieu, un morceau du quintet du HCF, (« Coquette ») parce que Kamlo Barré est très poli et pour finir « Les Yeux Noirs », parce que, comme disait Patrick Saussois, on ne peut finir un concert que par ça. Il y a aussi la « Valse des Niglos » de Gusti Malha, l’oncle de Christian Escoudé, parce que c’est sans doute la plus belle des valses manouches. Et puis, il y a les huit compositions de Kamlo Barré, du swing manouche teinté d’Orient, parce que Kamlo a passé son enfance et son adolescence à Beyrouth, Tunis, Casablanca et Madrid, mais un swing d’une élégance, d’une humanité, d’une fraîcheur très rares. On est loin des concours de vitesse de certains, mais plus proche de ce qu’on enseigne à l’Université de la Chope des Puces de St Ouen. Des morceaux dédiés à Césaria Evora, à Mundine Garcia ou à Patrick Saussois, l’artiste par excellence. Des morceaux qui respirent l’amitié, la beauté, la sobriété dans le jeu, ce qui n’exclut nullement les feux d’artifices occasionnels. Un bien beau CD. »
Par Michel BEDIN – ON MAG
Par Michel BEDIN – ON MAG