« Du feeling » par Best

Il aurait été injuste, voire même immoral que Benoît Blue Boy ne profite pas de la tendance du moment pour passer à son tour à la caisse. Lui qui fut de toutes les luttes bluesiennes, qui ne renia jamais une passion érigée en sacerdoce et qui prit même son bateau de pèlerin pour prêcher la bonne parole auprès de la nouvelle vague (production du second album de Stocks, le torride trio Lillois). Certes le faciès s’est un peu arrondi, les stigmates de quelques excès fermentés transpirent davantage que par le passé mais le métier est toujours là, consommé à l’extrême. L’autre intérêt de « Plus tard dans la soirée », c’est de remettre en perspective une version moins technicienne d’un genre qui tire l’essentiel de sa substance du feeling mais aussi et surtout de l’exploit instrumental. La fonction créant l’organe, le chanteur-harmoniciste qu’est Benoît Blue Boy ne peut qu’évoluer dans un moule qui n’engendre pas à ce genre de verbiage, même si son backing group, Les Tortilleurs, s’y entend pour faire swinguer la moindre note. L’essentiel est ailleurs, dans cette voix plus cristalline, moins roots que celles de Verbeke ou de Bill Deraime et surtout dans cet harmonica qui retrouve ici sa place aux premières loges. Voilà qui nous change de la sempiternelle slide ! Sans révolutionner les fondements du blues, ce disque vient à point nommé pour confondre ceux qui en faisaient un genre enfermé dans trop de carcans. Ce qui n’est déjà pas si mal.
André BRODZKI - BEST