« Il s’agit de la réédition du vinyle Jazz Odyssey 012 mais les titres sont placés dans l'ordre du déroulement des deux séances en y insérant à leur place, des morceaux qui ne figurent pas dans le 33 tours original («Three Little Words», «Indian Summer», «Al & Billy Fast Blues») et une prise alternative de «Who». (…) C'est Hugues Panassié qui a eu l'idée de cette séance avec une instrumentation inhabituelle. La réalisation étant déléguée à son fils Louis. Décédé le 8 décembre 1974, Hugues Panassié a eu l'opportunité d'en apprécier le résultat et de rédiger le texte reproduit dans le livret. Le disque est à la hauteur de l'estime qu'il portait à ces trois musiciens (…), loin de toute considération de «figue moisie», propose une musique pure, hors mode. Le swing est paisible dans «Tea for Two» exposé par Al Casey (qui opte pour quelques inflexions à la Django, son guitariste préféré selon Panassié). Dans «St. Louis Blues», c'est Billy Butler qui expose le thème avec des effets musicaux (!) de pédale évoquant l’archet d'un violon. On appréciera la sobriété de l'accompagnement d'Al Casey. Casey prend un solo puis, plus blues, Butler. Le jeu de balais de Jackie Williams est juste ce qu'il faut. Le contraste entre les deux styles évite au disque la monotonie qu’on pouvait craindre. Le tendre exposé de Billy Butler mêlant single note et accords pour «Ghost of a Chance» n'a rien de «ringard». Le solo d'Al Casey est très inspiré. Un petit changement de tempo relance l'interprétation avec Butler en solo et Casey à l'accompagnement riche et subtil: du pur jazz intemporel. Wes Montgomery déjà décédé ou George Benson, soutenus par Panassié, pas moins, n'avaient rien à leur apprendre. Il n'y a pas de progrès en art, sauf pour les imbéciles. Jackie Williams aux baguettes est plus présent sans encombrer dans «Take the "A” Train» pris sur un tempo médium propice au swing. Il y a une minime accroche de Billy Butler dans l'attaque de son solo sur «Three Little Words», possible raison pour laquelle cette prise n'a pas été retenue initialement. Mais ce solo, inspiré et incisif à souhait, méritait d'être connu. Al Casey enchaîne avec un court rappel du thème comme tout solo de jazz devrait le faire. Billy Butler exploite à nouveau son gimmick de pseudo-son de violon par l'usage d'une pédale pour l'exposé et la coda d'«Indian Summer». Après un court prologue avec faux départ (0'27'') Billy Butler, maître dans le genre, lance un «Al & Billy Blues» sur tempo médium soutenu par un Jackie Williams égal d’un Fred Below: on est au cœur du sujet. Ainsi va la qualité et la complicité jusqu'au «Al & Billy Fast Blues» de 7’26” pour conclure ce programme aussi original que swing. Ce disque est un exemple de l'idée qu'Hugues Panassié se faisait du « jazz contemporain », c'est-à-dire tel qu'on le rencontrait encore au cours des années 1970. »
Par Michel LAPLACE – JAZZ HOT
Par Michel LAPLACE – JAZZ HOT