Marc Benham confirme avec cet hommage à Fats Waller un éclectisme qui, associé à ce masque de pingouin déjà arboré sur son précédent « Herbst », tient du sourire selon Martial Solal. Mais c’est autre chose que ce dernier salue chez Benham : « technique, feeling, sens harmonique, invention mélodique, il a su incorporer à son langage, pétri de tradition, toutes les avancées. ». Ses compositions « Boxing Day » et « Tes zygomatiques » ont en tout cas des atours très solaliens, et témoignent d’un bagage classique qui s’exprime dans le détaché et le feutré des premières notes du disque. Comme conçu pour jouer Liszt, le poids du son ménage fermeté, délicatesse et facilité à l’accélération du débit, le rubato se laissant soudain corrompre par un rythme shuffle, puis plus soudainement encore par le stride de « Viper’s Darg » (Fats Waller). Ailleurs (« Black and Blue » ou, écart vers James P. Johnson, « Carolina Shout »), il imprime mille détours au stride de la main gauche et mille autres aux variations de la droite, toutes deux, sans avoir certes l’implacabilité d’un Fats (ou d’un Louis Mazetier), en un dialogue jamais épuisé, prévenant nos réticences à cet éclectisme à première écoute trop systématique. Aussi accueille-t-on son interprétation d’« I’ve Got A Feeling I’m Falling » comme une confession de l’extrême sensibilité que le gros Thomas Waller dissimulait derrière sa bonne humeur. Et notre bonheur à découvrir les variations de Benham sur les décidément très mystérieuses « Barricades mystérieuses » de François Couperin n’est probablement pas éloigné de celui qu’en aurait conçu Fats.
Par Franck BERGEROT – JAZZ MAG
Par Franck BERGEROT – JAZZ MAG