Michel Bouquet est une des figures incontestées de la scène théâtrale française. Il a enseigné au conservatoire. Plus que pédagogue, il s’y est voulu dispensateur d’une philosophie et d’une morale de l’acteur.
L.T. : Quelle est selon vous la qualité principale pour être acteur ?
M.B. : La qualité principale que demande ce métier, c’est l’intuition, plus importante que l’intelligence. Dans la manière d’appréhender le rôle, je laisse faire ce qui me vient. Je ne suis pas sûr que ce que je pense au soir d’un rôle soit définitif. Mon travail se fait entre le temps de deux représentations. Une critique opère en moi, je garde certaines choses, j’en récuse d’autres. Sur les bases initiales s’ajoutent des fioritures d’instinct : c’est ce qui fait que la chose reste intéressante. La liaison avec le personnage se fortifie, subit des guerres, des armistices, comme dans la vie. Je laisse une part d’improvisation dans ma conception du rôle : c’est pour ça que j’aime énormément les rôles qui n’ont pas de ligne psychologique précise.
L.T. : Y a-t-il une méthode à appliquer pour bien jouer ?
M.B. : La méthode met des bornes de sagesse sur le chemin mais n’est pas la panacée du métier d’acteur. La panacée du métier d’acteur c’est ce pourvoir de faire venir le rôle en soi, de le montrer et d’en être surpris soi-même. Cela arrive par la concentration, par le fait de regarder la vie sans y participer car elle avale tout. Le comédien doit être un lecteur de la vie et un lecteur de lui-même. Il faut s’observer, donc se méfier, croire la lecture du rôle, croire le rôle mais aussi douter de soi : cette contradiction est gage de richesse. Tout ce qui est mis en place peut être démoli par une intuition nouvelle du rôle. Du fait qu’on veut donner la vie à un rôle, il faut admettre qu’il est vivant en nous : c’est en cela que l’intuition prime sur la réflexion et que les comédiens ne sont pas des intellectuels. Petit à petit le rôle parle avec le comédien et quand c’est le rôle qui parle, il le surprend. Et lorsqu’il y a la vie dans un rôle, le spectateur peut alors jouer aussi puisque le comédien est lui-même en état de jeu. Mais s’il voit quelqu’un d’appliqué, il le sent et il n’a rien à faire. C’est alors qu’il y a répétition mais pas représentation théâtrale. Pour qu’il y ait représentation, il faut que le spectateur se dise ‘je suis un peu ce personnage, je peux entrer en lui’. La morale de la pièce apparaît alors puisque la personne qui la regarde la retrouve en elle.
L .T. : Comment apprendre, alors, à être acteur ?
M.B. : C’est le don qui fait tout, le don qui donne la richesse et la vocation qui est de servir ce don au maximum et non pas se d’en servir. C’est quelque chose de difficile, mais d’enrichissant, de poignant. Ce qui est très important, c’est le travail en amont sur le rôle. Il faut commencer à vivre avec lui et ébouler petit à petit toutes les opinions qu’on a sur lui. A partir du moment où on a suffisamment éboulé, le rôle vient dire : ‘j’en ai marre de t’attendre, fais plutôt comme ça’. Ça, c’est la part du rôle, et elle est sacrée.
Propos recueillis par Catherine ROBERT – LA TERRASSE
Michel Bouquet, Professeur au Conservatoire. Documents Sonores 1986-1987. Frémeaux & Associés.
L.T. : Quelle est selon vous la qualité principale pour être acteur ?
M.B. : La qualité principale que demande ce métier, c’est l’intuition, plus importante que l’intelligence. Dans la manière d’appréhender le rôle, je laisse faire ce qui me vient. Je ne suis pas sûr que ce que je pense au soir d’un rôle soit définitif. Mon travail se fait entre le temps de deux représentations. Une critique opère en moi, je garde certaines choses, j’en récuse d’autres. Sur les bases initiales s’ajoutent des fioritures d’instinct : c’est ce qui fait que la chose reste intéressante. La liaison avec le personnage se fortifie, subit des guerres, des armistices, comme dans la vie. Je laisse une part d’improvisation dans ma conception du rôle : c’est pour ça que j’aime énormément les rôles qui n’ont pas de ligne psychologique précise.
L.T. : Y a-t-il une méthode à appliquer pour bien jouer ?
M.B. : La méthode met des bornes de sagesse sur le chemin mais n’est pas la panacée du métier d’acteur. La panacée du métier d’acteur c’est ce pourvoir de faire venir le rôle en soi, de le montrer et d’en être surpris soi-même. Cela arrive par la concentration, par le fait de regarder la vie sans y participer car elle avale tout. Le comédien doit être un lecteur de la vie et un lecteur de lui-même. Il faut s’observer, donc se méfier, croire la lecture du rôle, croire le rôle mais aussi douter de soi : cette contradiction est gage de richesse. Tout ce qui est mis en place peut être démoli par une intuition nouvelle du rôle. Du fait qu’on veut donner la vie à un rôle, il faut admettre qu’il est vivant en nous : c’est en cela que l’intuition prime sur la réflexion et que les comédiens ne sont pas des intellectuels. Petit à petit le rôle parle avec le comédien et quand c’est le rôle qui parle, il le surprend. Et lorsqu’il y a la vie dans un rôle, le spectateur peut alors jouer aussi puisque le comédien est lui-même en état de jeu. Mais s’il voit quelqu’un d’appliqué, il le sent et il n’a rien à faire. C’est alors qu’il y a répétition mais pas représentation théâtrale. Pour qu’il y ait représentation, il faut que le spectateur se dise ‘je suis un peu ce personnage, je peux entrer en lui’. La morale de la pièce apparaît alors puisque la personne qui la regarde la retrouve en elle.
L .T. : Comment apprendre, alors, à être acteur ?
M.B. : C’est le don qui fait tout, le don qui donne la richesse et la vocation qui est de servir ce don au maximum et non pas se d’en servir. C’est quelque chose de difficile, mais d’enrichissant, de poignant. Ce qui est très important, c’est le travail en amont sur le rôle. Il faut commencer à vivre avec lui et ébouler petit à petit toutes les opinions qu’on a sur lui. A partir du moment où on a suffisamment éboulé, le rôle vient dire : ‘j’en ai marre de t’attendre, fais plutôt comme ça’. Ça, c’est la part du rôle, et elle est sacrée.
Propos recueillis par Catherine ROBERT – LA TERRASSE
Michel Bouquet, Professeur au Conservatoire. Documents Sonores 1986-1987. Frémeaux & Associés.