Exemple de grand écart entre deux styles (le Stride des années vingt et le Jazz-Rock première mouture), le pianiste parisien Marc Benham reste avant tout attaché à la notion d'émulation. Son père est saxophoniste de Dixieland. Son frère amateur de Jazz-Rock. Comment l'enfant du Nord de Paris peut-il rester insensible aux deux genres certes opposés dans le siècle, mais caractérisés par la virtuosité instrumentale? Marc Benham, né en 1980, ne s'est pas laissé déchirer. Entre les études au Conservatoire du 17e arrondissement, il joue à 14 ans dans la formation de son père et, à la maison, repique les solos de Joe Zawinul et de Chick Coréa sur les vinyles du frangin. Il découvre les solistes du Stride de Harlem, les décollages vertigineux de Donald Lambert, les ritournelles démentielles de James P Johnson. La révélation. Le Parisien n'en reviendra jamais : "l'indépendance des interprètes et la richesse du style m'a ébloui". A 18 ans, les contrats de musicien tombent en rafale. Benham continue d'étudier le Baroque (Bach) et les Romantiques, (Schuman, Chopin), mais s'immerge dans les parties de Keith Jarrett, marqué par le classique, mais qui "swinguent parfois incroyablement". Il s'émerveille de l'univers et de l'approche uniques de Thelonius Monk, lui aussi piqué de stride, dont il reprendra Think of One. Là, coup de chance : un ami lui présente le fondateur de la Bill Evans Academy à Paris, le pianiste Bernard Maury, une éminence. Il fréquente, deux années durant, l'école de la rue des Amandiers, devient son disciple. La vision de la musique change. Singulièrement, Benham n'essaie pas de décalquer la patte d'Evans, comme beaucoup de ses contemporains... "même si j'ai adopté ses renversements harmoniques". On retrouve l'esprit de Bill Evans dans la composition Idée de Buenos Aires, sur l'excellent Hebst, le premier album, salué par Martial Solal, chroniqué ici le mois dernier. Pourquoi le pingouin en visuel de la couverture du CD? "Parce que le pianiste s'efface derrière son costume de scène pour assurer le show. Il abandonne tout au public, à commencer par la promesse de ne pas s'ennuyer". Pourquoi Hebst? Parce que le mot signifie Automne en langue allemande. La saison qui relie l'été à l'hiver évoque la notion de saut entre deux mondes et résume bien son style. Miles avait déjà réquisitionné comme titre de morceau le mot anglais (Fall)... Benham s'est naturellement retourné vers le vocabulaire de sa grand-mère viennoise. Miles, autre spécialiste de l'enjambement d'un style à l'autre... Il a raison. Quand on vibre, pourquoi s'immobiliser? Bruno PfeifferExemple de grand écart entre deux styles (le Stride des années vingt et le Jazz-Rock première mouture), le pianiste parisien Marc Benham reste avant tout attaché à la notion d'émulation. Son père est saxophoniste de Dixieland. Son frère amateur de Jazz-Rock. Comment l'enfant du Nord de Paris peut-il rester insensible aux deux genres certes opposés dans le siècle, mais caractérisés par la virtuosité instrumentale? Marc Benham, né en 1980, ne s'est pas laissé déchirer. Entre les études au Conservatoire du 17e arrondissement, il joue à 14 ans dans la formation de son père et, à la maison, repique les solos de Joe Zawinul et de Chick Coréa sur les vinyles du frangin. Il découvre les solistes du Stride de Harlem, les décollages vertigineux de Donald Lambert, les ritournelles démentielles de James P Johnson. La révélation. Le Parisien n'en reviendra jamais : "l'indépendance des interprètes et la richesse du style m'a ébloui". A 18 ans, les contrats de musicien tombent en rafale. Benham continue d'étudier le Baroque (Bach) et les Romantiques, (Schuman, Chopin), mais s'immerge dans les parties de Keith Jarrett, marqué par le classique, mais qui "swinguent parfois incroyablement". Il s'émerveille de l'univers et de l'approche uniques de Thelonius Monk, lui aussi piqué de stride, dont il reprendra Think of One. Là, coup de chance : un ami lui présente le fondateur de la Bill Evans Academy à Paris, le pianiste Bernard Maury, une éminence. Il fréquente, deux années durant, l'école de la rue des Amandiers, devient son disciple. La vision de la musique change. Singulièrement, Benham n'essaie pas de décalquer la patte d'Evans, comme beaucoup de ses contemporains... "même si j'ai adopté ses renversements harmoniques". On retrouve l'esprit de Bill Evans dans la composition Idée de Buenos Aires, sur l'excellent Hebst, le premier album, salué par Martial Solal, chroniqué ici le mois dernier. Pourquoi le pingouin en visuel de la couverture du CD? "Parce que le pianiste s'efface derrière son costume de scène pour assurer le show. Il abandonne tout au public, à commencer par la promesse de ne pas s'ennuyer". Pourquoi Hebst? Parce que le mot signifie Automne en langue allemande. La saison qui relie l'été à l'hiver évoque la notion de saut entre deux mondes et résume bien son style. Miles avait déjà réquisitionné comme titre de morceau le mot anglais (Fall)... Benham s'est naturellement retourné vers le vocabulaire de sa grand-mère viennoise. Miles, autre spécialiste de l'enjambement d'un style à l'autre... Il a raison. Quand on vibre, pourquoi s'immobiliser?
Par Bruno PFEIFFER - LIBERATION
Par Bruno PFEIFFER - LIBERATION