« Hors du commun » par Blues & Co

Hey là-bas ! Hey là-bas ! Réjouissez-vous chers amis car deux anciens albums de Benoît Blue Boy viennent d’être réédités sous leur pochette initiale par l’excellent label Frémeaux & Associés, grand spécialiste des luxueuses anthologies consacrées à la musique roots, blues, rock’n’roll, western swing, et autres musiques cajun et mexicaines. Ça tombe à pic car les rayons Blue Boy dans les rayons des disquaires commençaient à ressembler à l’étal d’un boucher-charcutier de Ouagadougou. Tous les aficionados de Benoît gardant jalousement les précieuses galettes toutes de bleue imprégnées dans leur discothèque, avec la sécurité d’un bunker de la banque de France, prêt à dégainer leur 357 Magnum à la première incursion d’un individu avide de blues qui tortille un maximum. En 1990, « Parlez-vous français ? » et sa belle jaquette TEX-MEX, sonnait presque le glas d’un récent passé, en prenant une radicale orientation vers un côté plus Louisianais à la chaleur moite et suffocante. Dès l’âge des premières surprises-parties, des mobylettes-traficottées, et des Coca-Cola aromatisés, benoît a beaucoup écouté les Fats Domino, Clifton Chénier du rhythm & blues cajun, du swamp de Baton Rouge avec Slim Harpo et Lonesome Sundown, et des titres comme « Elle rentre dedans » ou « Louisiana » démontrent le melting-pot d’influences en provenance du Golf du Mexique, et même au-delà de la frontière du côté de Monterrey, où la tequila est la boisson providentielle. Benoît Blue Boy est entouré pour l’occasion de quelques Tortilleurs, et de moult invités comme Bill Thomas, Claude Langlois, ou encore Geraint Watkins considéré comme le meilleur pianiste-accordéoniste du côté de chez les rosbifs. Benoît fait sonner son harmonica comme un accordéon, on ne sait plus de quel instrument il s’agit, et avec classe recale crossroads, les bayous, San Antonio, New Orléans, sans oublier Ménilmontant qui malgré les milliers de kilomètres, ne semble pas si loin en raison du savoir de toute cette bande de joyeux lurons. En dépit de sa nationalité française, pour Benoît cela demeure un truc naturel, il a le rhythm & blues dans ses chromosomes. De sa voix pêchue et bourrue, il fait swinguer les mots et il nous délecte de véritables poésies des faubourgs et des zincs, dans lesquelles chaque laissé-pour-compte de la vie peut s’identifier. « Parlez vous français » était certainement l’album le plus accompli de Benoît Blue Boy pour l’époque. Deux ans après, sortait toujours chez La Lichère « Plus tard dans la soirée », qui était aussi le nom du premier groupe de Benoît Blue Boy pour l’époque. Deux ans après, sortait toujours chez  La Lichère  « Plus tard dans la soirée », quand il fallait sortir des sentiers battus afin de prêcher la bonne parole du blues dans tous les rades infâmes, et autres salles underground de la France profonde. Le style a sensiblement évolué vers un côté plus rock, plus musclé, plus instinctif, avec un François Bodin (sideman de renom) qui malmène sa strato avec aisance, dans la lignée des Thunderbirds et autres guitaristes texans « Jacques a dit », « Elle veut vendre ma guitare ». On en prend plein les mirettes car Philippe Floris et Jean Marc Despeignes font honneur à leur statut de Tortilleurs. Et derrière le look de Benoît, cravate négligemment détachée, fines bacantes d’hidalgo, cheveux gominés à la Cochran, regard d’aigle hors-la-loi, gouaille de tit, fausse nonchalance débonnaire, se cache un véritable maître de l’harmonica, un auteur-compositeur hors du commun, une encyclopédie vivante de la musique roots américaine, et sûrement le dernier franc tireur du blues de ce côté-ci de l’Atlantique. Ces deux rééditions sont un véritable bain de jouvence, et sont bien plus efficaces que l’aspirine des lendemains de fiesta. Quoi ? Mais non docteur je n’ai pas contracté la Blue Boy Mania. Non !non ! doc pas de piqûre, pas de piqûre. « Moi j’veux aller à New Orleans, j’ai déjà mon ticket à la main… »
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