"Superbe travail effectué par le label français Frémeaux & Associés avec cette réédition en 8 CD des chansons de Mahalia Jackson, la ‘reine du gospel’, née un 26 octobre 1911…ou 1912, car comme pour Louis Armstrong, plus personne ne sait le dire avec exactitude. Décédée le 27 janvier 72, la grande Dame du gospel a laissé derrière de véritables trésors que le label français Frémeaux & Associés a compilés et classés avec minutie pour nous offrir sur huit opus, et par années, plus de 100 interprétations de celle que présentait ainsi J. Louis ‘Studs’ Terkel, un des premiers disc-jockeys blancs à avoir programmé des artistes noirs: ‘Si elle chantait le Blues, elle serait une autre Bessie Smith...’.
Superbe réédition, donc, avec, en prime, des livrets bilingues (français et anglais) fort bien documentés et signés Jean Buzelin qui procurent un réel plaisir de lecture au plaisir de l’écoute de Mahalia Jackson qui s’inspira notamment de Ma Rainey, Ida Cox, Clara Smith et, bien sûr, de Bessie Smith, alors même que tout pouvait, et devait, opposer les deux femmes. Tandis que l’une, Bessie Smith, vivait de manière débridée, chantant dans les rades les plus crades, Mahalia Jackson avait suivi une éducation religieuse assidue qui l’orientait tout naturellement à chanter du gospel. Cela, vous le ressentez de manière très intense sur le premier album de cette intégrale, le volume 1 qui couvre la période 1937-1946, au travers de titre comme l’hymne baptiste ‘Amazing Grace’ ou encore ‘Oh My Lord’ et ‘I’m going to tell God’.
Très jeune, Mahalia Jackson se produisait dans la chorale de l’église baptiste où prêchait son père tout en écoutant, en cachette, les disques de Bessie Smith qu’elle admirait. Une influence qui a profondément marqué le chant de Mahalia, et que le rendra de plus en plus expressif avec les années. Ce que les albums de cette intégrale vous feront ressentir avec émotion, surtout lorsque vous saurez que cette jeune femme n’a jamais suivi de cours de chant.
Installée en 1927 à Chicago où elle ouvre une boutique de cosmétiques, Mahalia Jackson devint l’une des premières voix de la Great Salem Baptist Church avant de rejoindre Robert Johnson, qui vient de fonder le premier groupe mixte de gospel professionnel. Elle rencontra ensuite quelques grandes figures du gospel avant de rejoindre Thomas A. Dorsey, un chanteur de blues qui deviendra le véritable pionnier du gospel moderne, au début des années 1930, et qui l’accompagnera au piano pendant dix ans. C’est pour cela d’ailleurs que la majorité des titres alignés sur les deux premiers volumes de cette intégrale est seulement accompagnée par un seul piano.
Sur le second volume qui couvre la période 1947-1950, ce sont 21 titres qui vous sont proposés, tous plus beaux les uns que les autres. Selon Robert Anderson, un des pianistes de la chanteuse, Mahalia Jackson aurait été la première à amener le Blues dans le Gospel, ce que démontrent d’ailleurs des chansons comme ‘There's not a friend like Jesus’, ‘The last mile of the way’ ou encore ‘I do, don't you’. Un second volume à écouter religieusement, tout en lisant le livret, toujours aussi bien documenté. Un second volume qui confirme l’exceptionnel travail effectué par le label français et qui mérite d’être salué comme il se doit. C’est également dans ce second volume que vous réentendrez le fameux ‘I’m glad salvation is free’ qui lui vaudra le Grand Prix de l’Académie du Disque en France, l’incontournable et fin critique Hugues Panassié ayant diffusé des chansons de Mahalia Jackson sur les ondes françaises puis publié un article sur elle dans ‘La Revue du Jazz’.
La carrière de la chanteuse est véritablement lancée et Mahalia se produira sur les scènes les plus prestigieuses, comme le Carnegie Hall, ou le Yates Auditorium de Houston. Femme débordante d’énergie, elle jouira de la vie et de ses plaisirs jusqu’à rivaliser avec son idole, Bessie Smith, alors même que ses chansons surfent toujours sur la même vague. Dans le volume 3, qui couvre la période 1950-52, Mahalia nous offre ‘The Lord’s Prayer’, mais aussi ‘Closer to me’ et ‘Jesus is with me’. Dix huit titres sur ce CD, dont la première version, magistrale, de ‘In the upper room’, qui transcende le gospel.
Les cinq albums suivant couvrent tous deux années ou bien une seule, Mahalia Jackson étant alors à l’apogée de sa puissance créatrice. Sur le volume 4 couvrant les années 53-54, ce sont encore 21 titres qui vous sont proposés, dont le très beau ‘I’m going to the river’, deux versions du superbe ‘Beautiful Tomorrow’, de même que deux versions du somptueux ‘Nobody knows the trouble I’ve seen’, qui concluent d’ailleurs cet opus qui vous fera couler quelques larmes tant la puissance émotionnelle de la voix de Mahalia Jackson vous pénètre, vous perfore.
Une sensation que le cinquième puis le sixième volume de cette intégrale ne feront qu’accentuer, comme si la pression vocale de la Dame ne pouvait être interrompue. C’est d’ailleurs le sentiment étrange que l’on a dès que l’on a lancé l’écoute du premier CD de cette intégrale : l’incapacité, l’impossibilité à stopper le cours des choses, de la vie, et de cette intégrale. Comme si une force supérieure nous empêchait de faire autre chose que d’écouter les huit albums en continu. Comme si la vie de Mahalia jackson était la nôtre, comme si notre cœur avait fusionné avec le sien, comme si notre âme avait été touchée par le divin.
Certains puristes vous diront peut être que tel album est d’un niveau légèrement inférieur au précédent, que le suivant manque de ceci ou de cela, mais le fait est là, l’ensemble s’écoute et doit s’écouter en continu, comme pendant ces trois heures pendant lesquelles Mahalia se produisit au festival d’Antibes-Juan les Pins, en 1968, avec cette ferveur inoubliable qui en fit l’un des grands moments du siècle dernier, ou comme ce jour mémorable où elle chanta, elle, la noire, à la Maison Blanche, lors de l’intronisation du Président John F. Kennedy. Amie fidèle du pasteur Martin Luther King, elle se trouva à ses côtés pour la défense des droits civiques des noirs et c’est elle qui chanta lors du service funèbre du leader assassiné.
Avec un naturel désarmant et un charisme détonnant, Mahalia Jackson réussit même à rassembler 21.000 personnes dans le stade d'Atlanta, c'est-à-dire le plus grand public noir jamais réuni pour un concert. Prions Frémeaux & Associés de ne pas s’arrêter en si bon chemin et qu’un prochain volume, le neuvième, sortira très bientôt, suivi d’un autre, et d’un autre encore, surtout après cette réédition du fabuleux concert que Mahalia Jackson donna en 1958 au festival de Jazz de Newport et qui se trouve sur le huitième album de cette intégrale, en complément de 10 titres enregistrés en studio.
Il y a des moments où les superlatifs sont superflus et un seul terme peut résumer à lui seul cette pile de huit albums: Indispensable. Tout simplement indispensable!"
par Frankie Bluesy PFEIFFER - PARIS-MOVE
Superbe réédition, donc, avec, en prime, des livrets bilingues (français et anglais) fort bien documentés et signés Jean Buzelin qui procurent un réel plaisir de lecture au plaisir de l’écoute de Mahalia Jackson qui s’inspira notamment de Ma Rainey, Ida Cox, Clara Smith et, bien sûr, de Bessie Smith, alors même que tout pouvait, et devait, opposer les deux femmes. Tandis que l’une, Bessie Smith, vivait de manière débridée, chantant dans les rades les plus crades, Mahalia Jackson avait suivi une éducation religieuse assidue qui l’orientait tout naturellement à chanter du gospel. Cela, vous le ressentez de manière très intense sur le premier album de cette intégrale, le volume 1 qui couvre la période 1937-1946, au travers de titre comme l’hymne baptiste ‘Amazing Grace’ ou encore ‘Oh My Lord’ et ‘I’m going to tell God’.
Très jeune, Mahalia Jackson se produisait dans la chorale de l’église baptiste où prêchait son père tout en écoutant, en cachette, les disques de Bessie Smith qu’elle admirait. Une influence qui a profondément marqué le chant de Mahalia, et que le rendra de plus en plus expressif avec les années. Ce que les albums de cette intégrale vous feront ressentir avec émotion, surtout lorsque vous saurez que cette jeune femme n’a jamais suivi de cours de chant.
Installée en 1927 à Chicago où elle ouvre une boutique de cosmétiques, Mahalia Jackson devint l’une des premières voix de la Great Salem Baptist Church avant de rejoindre Robert Johnson, qui vient de fonder le premier groupe mixte de gospel professionnel. Elle rencontra ensuite quelques grandes figures du gospel avant de rejoindre Thomas A. Dorsey, un chanteur de blues qui deviendra le véritable pionnier du gospel moderne, au début des années 1930, et qui l’accompagnera au piano pendant dix ans. C’est pour cela d’ailleurs que la majorité des titres alignés sur les deux premiers volumes de cette intégrale est seulement accompagnée par un seul piano.
Sur le second volume qui couvre la période 1947-1950, ce sont 21 titres qui vous sont proposés, tous plus beaux les uns que les autres. Selon Robert Anderson, un des pianistes de la chanteuse, Mahalia Jackson aurait été la première à amener le Blues dans le Gospel, ce que démontrent d’ailleurs des chansons comme ‘There's not a friend like Jesus’, ‘The last mile of the way’ ou encore ‘I do, don't you’. Un second volume à écouter religieusement, tout en lisant le livret, toujours aussi bien documenté. Un second volume qui confirme l’exceptionnel travail effectué par le label français et qui mérite d’être salué comme il se doit. C’est également dans ce second volume que vous réentendrez le fameux ‘I’m glad salvation is free’ qui lui vaudra le Grand Prix de l’Académie du Disque en France, l’incontournable et fin critique Hugues Panassié ayant diffusé des chansons de Mahalia Jackson sur les ondes françaises puis publié un article sur elle dans ‘La Revue du Jazz’.
La carrière de la chanteuse est véritablement lancée et Mahalia se produira sur les scènes les plus prestigieuses, comme le Carnegie Hall, ou le Yates Auditorium de Houston. Femme débordante d’énergie, elle jouira de la vie et de ses plaisirs jusqu’à rivaliser avec son idole, Bessie Smith, alors même que ses chansons surfent toujours sur la même vague. Dans le volume 3, qui couvre la période 1950-52, Mahalia nous offre ‘The Lord’s Prayer’, mais aussi ‘Closer to me’ et ‘Jesus is with me’. Dix huit titres sur ce CD, dont la première version, magistrale, de ‘In the upper room’, qui transcende le gospel.
Les cinq albums suivant couvrent tous deux années ou bien une seule, Mahalia Jackson étant alors à l’apogée de sa puissance créatrice. Sur le volume 4 couvrant les années 53-54, ce sont encore 21 titres qui vous sont proposés, dont le très beau ‘I’m going to the river’, deux versions du superbe ‘Beautiful Tomorrow’, de même que deux versions du somptueux ‘Nobody knows the trouble I’ve seen’, qui concluent d’ailleurs cet opus qui vous fera couler quelques larmes tant la puissance émotionnelle de la voix de Mahalia Jackson vous pénètre, vous perfore.
Une sensation que le cinquième puis le sixième volume de cette intégrale ne feront qu’accentuer, comme si la pression vocale de la Dame ne pouvait être interrompue. C’est d’ailleurs le sentiment étrange que l’on a dès que l’on a lancé l’écoute du premier CD de cette intégrale : l’incapacité, l’impossibilité à stopper le cours des choses, de la vie, et de cette intégrale. Comme si une force supérieure nous empêchait de faire autre chose que d’écouter les huit albums en continu. Comme si la vie de Mahalia jackson était la nôtre, comme si notre cœur avait fusionné avec le sien, comme si notre âme avait été touchée par le divin.
Certains puristes vous diront peut être que tel album est d’un niveau légèrement inférieur au précédent, que le suivant manque de ceci ou de cela, mais le fait est là, l’ensemble s’écoute et doit s’écouter en continu, comme pendant ces trois heures pendant lesquelles Mahalia se produisit au festival d’Antibes-Juan les Pins, en 1968, avec cette ferveur inoubliable qui en fit l’un des grands moments du siècle dernier, ou comme ce jour mémorable où elle chanta, elle, la noire, à la Maison Blanche, lors de l’intronisation du Président John F. Kennedy. Amie fidèle du pasteur Martin Luther King, elle se trouva à ses côtés pour la défense des droits civiques des noirs et c’est elle qui chanta lors du service funèbre du leader assassiné.
Avec un naturel désarmant et un charisme détonnant, Mahalia Jackson réussit même à rassembler 21.000 personnes dans le stade d'Atlanta, c'est-à-dire le plus grand public noir jamais réuni pour un concert. Prions Frémeaux & Associés de ne pas s’arrêter en si bon chemin et qu’un prochain volume, le neuvième, sortira très bientôt, suivi d’un autre, et d’un autre encore, surtout après cette réédition du fabuleux concert que Mahalia Jackson donna en 1958 au festival de Jazz de Newport et qui se trouve sur le huitième album de cette intégrale, en complément de 10 titres enregistrés en studio.
Il y a des moments où les superlatifs sont superflus et un seul terme peut résumer à lui seul cette pile de huit albums: Indispensable. Tout simplement indispensable!"
par Frankie Bluesy PFEIFFER - PARIS-MOVE