Deux nouveaux coffrets encore pour l’œuvre de Deben Bhattacharya. Suite de cette réédition organisée par Frémeaux. Pourquoi Bours est-il si enthousiaste face à ces enregistrements, se demandent certains confrères ou même concurrents ? Revoici donc les raisons essentielles qui, jusqu’ici, me poussent à être un défenseur de cette collection dans son ensemble. Deben Bhattacharya fut un pionnier de l’enregistrement de terrain et de la création subséquente de collections de disques pour le grand public. C’est lui qui parmi les premiers nous fit découvrir de nombreuses expressions. Et si certains musiciens ne sont pas les meilleurs du genre, ils sont cependant du cru, pris sur le vif. Ils ne jouaient pas sous les conditions dictées, de près ou de loin, par un marché du disque. On a peut-être parfois mieux depuis, c’est évident, mais on a aussi parfois une virtuosité exagérée, un naturel qui se perd, et la perte du background social et humain propre à ces musiques à l’époque où Bhattacharya les enregistrait (années 50, 60, et 70, surtout). Il faut ajouter à cela que le collecteur est, dans ce cas-ci, un simple amateur, une sorte de vulgarisateur professionnel, et non un ethnomusicologue. Les uns ne sont pas nécessairement et irrémédiablement meilleurs que les autres, mais les deux points de vue peuvent être intéressants. Les commentaires de la collection sont donc moins musicologiques et parfois moins rébarbatifs que sur d’autres productions. Ils ne sont pas parfaits pour autant mais ils donnent une vision simple, un peu dépassée peut-être – Deben a 76 ans, ne l’oublions pas – des pratiques musicales à des endroits précis, à des moments précis. Le tout sans la moindre prétention, ce qui n’est pas toujours le cas ailleurs non plus. C’est un témoignage, un document, sur l’histoire des musiques de tradition et de comparaison avec l’évolution actuelle, en mieux comme en pire, vaut largement la peine. C’est dans cet esprit que je continue à applaudir ces rééditions.
Étienne BOURS – TRAD MAGAZINE
Étienne BOURS – TRAD MAGAZINE