Entre 1930 et 1950, la vogue de l’accordéon parisien est à son zénith. Succédant au musette, le « swing à soufflet » fait rage dans les couches populaires ! Alors même qu’en « Amérique », mère-patrie du jazz, la « squeeze-box » syncopée est bien loin de connaître un tel succès. Il est vrai qu’avec l’arrivée des musiciens tziganes dans le monde fermé du bal musette se profile, dès le début des années trente, un jazz bien français ! Les manouches, traditionnellement rompus à l’improvisation, vont amener dans leur sillage « Sa Majesté le Swing et son cortège de chorus et de syncopations ». Un véritable vent de tempête va souffler sur les guinches de Paris et de sa proche banlieue ! De plus ; rappelons-le, depuis presque une décennie, bon nombre d’artistes noirs américains (dont la musique est souvent plus appréciée en France que dans leur pays d’origine) viennent régulièrement se produire dans la Capitale, quand ils n’y sont pas déjà installés.
Effluves de jazz et bruits de paix
C’est à la toute fin de la Première Guerre Mondiale que les premières bouffées de cette nouvelle musique née dans les moiteurs louisianaises viennent flotter sous le ciel de Paris. Dès son apparition sur le continent américain, ce jazz avait donné naissance à une multitude de pas de danse parmi lesquels le fox-trot (trot du renard), appellation plus policée de Bunny Hug (étreinte du lapin) plus rarement employé, sans doute en raison de sa connotation plus directement sexuelle. Son arrivée dans notre beau pays lui vaudra d’ailleurs, dans un premier temps, de gagner, à l’écrit, un « t » supplémentaire disparu sur les étiquettes de 78 tours de la décennie suivante. Dans son bel ouvrage « Les bals de Paris », André Warnod, flâneur, écrivain et chroniqueur le décrit ainsi : « Il y a de la marche triomphale, de la charge à la baïonnette et du combat de boxe dans un fox-trott bien enlevé ! » A cette époque, riche d’une nouvelle musique née au tournant du siècle d’entre les plis de son soufflet, le musette, l’accordéon est bien implanté dans les quartiers populaires. Agé de près de quatre-vingt-dix ans et pourtant loin d’être au faîte de sa gloire, il a déjà produit ses grandes stars (Emile Vacher, les frères Péguri, Casimir Coïa, Guérino…) mais il faudra attendre le début des années vingt pour que cette première vague de « musique sauvage » en provenance des U.S.A. fasse ouvrir aux « laborieux du dépliant » une oreille d’abord curieuse, puis enfin intéressée.
La Préhistoire ou quand swinguent les lames de Cro-Magnon
L’industrie du disque naissante s’étant très vite mise au service de la mode, les grands créateurs du musette, inféodés aux labels Pathé, Idéal, Perfectaphone, durent enregistrer des fox-trot à tour de bras. Ainsi, les Péguri, Vacher et quelques autres, en gravèrent avec plus ou moins de bonheur. Ce fut, en fait, avec les deux plus grandes vedettes « médiatiques » de l’époque, Maurice Alexander et Fredo Gardoni, que le fox-trot connut sa plus grande popularité. Nés respectivement en 1898 et 1900, ces deux accordéonistes étaient loin, tant s’en faut, s’être des monstres de swing. Ils surent cependant se choisir des accompagnateurs dotés d’une solide formation musicale, et dont les oreilles avaient, de toute évidence, traîné du côté des dancings et des boîtes de nuit où les sons discordants du jazz-band faisaient la conquête d’un public grandissant. Un certain « Jiungo Renard » (Django Reinhardt) gravera ainsi deux titres au banjo derrière Alexander, pour la firme Henry en 1928. La même année, on le retrouve sur dix titres derrière Marceau et quatre au côté de Vaissade. Virtuoses, ces deux grands accordéonistes ne maîtrisèrent pas plus que les autres ce swing mystérieux. Ni Jean Vaissade (1911-1979), qui restera toute sa vie fidèle au répertoire du bal musette, ni Marceau Verschueren, alias V. Marceau (1902-1990) qui, pourtant, jouait des ragtimes et des cake-walk, ayant très tôt écouté les premiers disques de fox-novelty (succédané populaire du ragtime), des premiers grands accordéonistes américains comme Pietro Frosini, les frères Pietro et Guido Deiro. Quelques autres, toutefois, parvinrent à balancer d’assez jolie façon tel Albert Carrara (1903-1968), notamment dans « Je ne saurai jamais dire ça » accompagné par le banjoïste Roger Chaput, futur guitariste du Quintette du Hot Club de France, ou Georges Sellers, au sein de l’orchestre d’Eudore Rancurel dans « Accordéon Marmelade ».
Les pionniers ou la « Ruée vers l’Hot »
Il faut attendre les années 1930 pour voir apparaître les premiers accordéonistes swinguants. Curieusement, ceux-ci ne vont pas forger leur style sur le modèle américain, ignorant complètement qu’il puisse même y avoir des accordéonistes de jazz Outre-Atlantique, mais vont donc développer un type spécifique de « Swing à la Française » qu’on pourra qualifier de jazz-musette. Les premiers à jouer « hot », comme on disait alors, seront Raymond Marquet, dont on ne connaît aucun enregistrement à ce jour, et Jean Salimbeni, dit « Jean le Boutonneux », dont on peut saisir, bien que très brièvement, le sens certain du swing dans « Si j’aime Suzy » et « Hot Accordéon ». Ils ouvraient la voie aux grands accordéonistes de swing qui allaient marquer les décennies suivantes.
Louis Richardet : du soufflet à la gachette
Né en 1911, ayant débuté par l’apprentissage du piano classique, il se tournera définitivement vers le jazz et la variété quelques neuf ans plus tard. Pionnier du Swing français, s’exprimant dans un style inspiré d’Earl Hines, ce sera en même temps le premier pianiste parisien à se produire avec les Cubains et les Antillais, (sous le pseudonyme de Louis de Riquez). Tombant par hasard sur un accordéon à clavier piano, lors d’un remplacement, il s’y initie en autodidacte, s’inspirant des disques des vedettes du moment. Dès 1932, il forme un quintette swing. En 1935, il grave trois titres, « Strange Harmony », « Sérénade » et « Double Trouble », au côté du violoniste de jazz Michel Warlop. Il y dispense un swing tranquille, se montrant néanmoins fort inspiré et prodiguant un phrasé décontracté « à l’américaine ». Il continuera à enregistrer pour les firmes Brunswick, Polydor, Swing et Decca jusqu’au début de la Seconde Guerre Mondiale qui mettra fin à sa carrière musicale. Désabusé, il quittera progressivement le métier pour se consacrer à des activités sportives et journalistiques. Promoteur du Ball-trap en France, il en sera longtemps un des arbitres internationaux et s’éteindra en 1988.
Charley Bazin : Corde et lame
Né en 1912, René « Charley » Bazin (« d’Arcachon », titre de noblesse que son ami Jo Privat aime à lui donner) démarre très jeune sur un modèle diatonique puis passe au chromatique, s’initie à la guitare, à la trompette et finalement entre au Conservatoire de Nice. Il en sortira pour mener une double carrière d’accordéoniste et de guitariste. Ayant commencé le métier dès 1928, il écumera les bals musette de Paris et sa banlieue ainsi que nombre de cabarets et dancings. Il travaillera un temps au sein de grands orchestres de variété, tels ceux de Ray Ventura, Raymond Legrand ou Jacques Hélian. En 1935, il monte un quartette swing et se produit dans les boîtes de nuit. En 1950, sorti vainqueur du tournoi radiophonique « Swing contre musette », il acquiert une audience plus médiatique et entame une seconde carrière, animant galas et soirées dansantes dans toute la France. Marginal ayant longtemps refusé d’enregistrer les tubes de l’époque, sa discographie est sensiblement réduite par rapport à celle des autres accordéonistes de sa génération. Subtil improvisateur et arrangeur de grand talent, son style rageur et inspiré est à rapprocher de celui de son cadet Gus Viseur.
Gus Viseur : les anches du swing
Belge par son père, marinier et accordéoniste amateur, Gustave, Joseph « Gus » Viseur, dit « Tatave » est assurément le plus virtuose des accordéonistes du swing français. Dès sa sixième année, il fait l’apprentissage de l’instrument. Très vite il fait la manche sur les marchés de la banlieue parisienne, puis se produit dans les cafés de Ménilmontant et entre enfin au bal musette. Il débute sa carrière discographique en 1935 tenant le second accordéon dans l’orchestre de « Médard Ferrero & ses Clochards ». En 1937, il enregistre ses deux premiers standards de jazz : « Some of these days » et « Dinah » pour la marque Pagode. C’est le début d’une longue série de disques de swing sous les labels les plus divers : Pathé, Columbia, Swing, Polydor, La Voix de son Maître, Decca, Pacific, Ducretet-Thomson, Barclay, Vogue, etc… Avec ses amis Murena et Privat, il sera un des grands créateurs de la valse swing. On lui doit : « Flambées montalbanaises » et « Swing valse ». Gus Viseur élève l’accordéon-swing à son plus haut niveau. Il est à l’accordéon ce que Django Reinhardt est à la guitare.
Tony Murena (1916-1970) : la passion du swing
Né en Italie, le petit Antonio viendra très tôt à Paris. Exceptionnellement doué, il n’a que neuf ans lorsqu’il commence à se produire en public. Bientôt, de bals musette en cabarets et casinos, il se taille une solide réputation de swingman. Dès 1939, il enregistre pour a firme Odéon. Plus que les standards, il jouera des swings de sa composition, tels « Kiwi », « Etude swing », « Ciro’s », « Pré Catelan », etc… Paradoxalement, la couleur dominante de ses enregistrements tient davantage que ceux de ses collègues, du swing américain, notamment par l’emploi du piano et de la clarinette qui le rapprochent de l’univers d’un Benny Goodman, alors très en vogue en Europe. Improvisateur inspiré, son jeu reste plus aéré que celui de Viseur.
Jo Privat : lame tzigane
Benjamin du lot, Georges Privat est né en 1919 en plein quartier de Ménilmontant. Gosse de la rue et grand argotier devant l’éternel, celui que l’on appellera désormais « Jo », deviendra, au-delà de sa musique, un personnage haut en couleur et une figure emblématique du monde du bal musette, des mauvais garçons et des truands de haute volée qui composent une grande partie de sa clientèle. Compositeur du célèbre Balajo, du nom du bal où il restera près de cinquante années consécutives, il écrira certaines des plus belles valses manouches. Elles auront pour titre « Mystérieuse », « Rêve bohémien », « Sa préférée », « Brise sablaise », « Impression gitane », etc…Swingman accompli, plus que les autres il puisera son inspiration dans le terreau tzigane. Amoureux du couple accordéon/guitare, cette formule fera chez lui figure de symbole. Amis de guitaristes manouches, il les emploiera presque tous. Toujours en activité, il se produit et enregistre encore abondamment, tant dans le domaine du swing que celui du musette et de la variété.
La swing (suite)
A l’aube de la seconde guerre mondiale, alors que Bazin, Viseur, Murena et Privat sont les maîtres incontestés de l’accordéon swing, les émules apparaissent. Né en 1915, Emile Carrara, dit « Milo », fait son premier bal à neuf ans. A partir de 1941, il grave de nombreux swings pour la firme Pathé. Ce n’est pourtant pas là, malgré tout, qu’il donne le meilleur de lui-même, plus à l’aise dans un répertoire traditionnel de valse musette à couleur manouche telle que « Volubilis », une de ses plus belles compositions, ou encore dans « Mon amant de St Jean » qu’il a si joliment popularisé. Ayant joué dans nombre de bals, cabarets, dancings et brasseries, il s’éteindra en 1973.
Les ignorés du swing
Né en 1923, Georges Dalibon, alias Géo Daly, fera swinguer son accordéon jusqu’en 1946, date à laquelle il deviendra le grand vibraphoniste que l’on sait. Charles Verstraete, né en 1924, est plus connu à l’heure actuelle comme tromboniste au sein des orchestres de jazz et de variété. Pourtant, en 1945, on pouvait l’apprécier à la tête d’un quartette « à la Viseur » s’y exprimant avec fougue et imagination. Né en 1924, lui aussi, au sein d’une famille de musiciens itinérants, le tzigane Tony Fallone, de même que son cousin Tieno, sera parmi les rares accordéonistes d’une ethnie dont les membres ont préféré de tout temps le violon et la guitare. Le premier est actuellement directeur d’une école d’accordéon en Bourgogne, tandis que l’on perd la trace du second après un disque supposé en compagnie du guitariste Tchan-Tchou. Restent les plus obscurs, tels Jean Fréber, né en 1918, qui mena une bonne partie de sa carrière dans l’orchestre de Bernard Hilda, et dont on saura apprécier la fougue dans certains de ses très rares enregistrements, et Pierre Thiébat qui dirigeait un bon orchestre swing en 1941.
Tous ces défricheurs de la jungle des anches de la syncopation firent école et nombre d’accordéonistes des générations suivantes n’allaient pas manquer (ô combien !) de s’en inspirer. Le jazz américain est à présent plus solidement implanté et les disques circulent plus facilement. Les nouveaux jazzmen de l’instrument s’en imprègnent d’autant plus que les enregistrements d’accordéonistes américains tels ceux de Joe Mooney, Art Vandamme, Charlie Magnante, et d’autres encore ont commencé à circuler. Hormis Marcel Fréber, né en 1926 et frère cadet de Jean qui, évoluant dans le circuit des cabarets tziganes, s’est toujours exprimé dans le plus pur style swing hérité de Gus Viseur, les nouveaux venus mâtinent leurs chorus d’une touche toujours plus grande de modernité.
Jean-Pierre Coustillas, né en 1927, fera une carrière on ne peut plus discrète tant à l’accordéon qu’à la contrebasse et au bandonéon. Notamment dans l’orchestre de gala de Marcel Azzola. Né en 1929, Jean Cortinovis, alias Jean Corti, surnommé « Nany », suivra un chemin aussi discret, accompagnant toutefois le grand Jacques Brel durant près de sept années. Armand Lassagne, né en 1934, travaillera au sein d’orchestres de variété, tel celui de Raymond Legrand, puis accompagnera les vedettes de la chanson des années cinquante et soixante.
Jo Maurage, né en 1931, se dit à la fois influencé par Viseur et Murena, tandis que Tony Jacques, Jacques Faivre de son vrai nom, se réclame de Privat, qu’il aura souvent l’occasion de remplacer. Reste quelques marginaux comme Marc Favot, mort en 1992, jouant swing et musette dans les bars et les cafés proches du marché aux Puces, et entrevu dans un festival Django Reinhardt à Samois, en 1983. Raymond Siozade, compte de Vergerac (1930-1986) mènera, pour sa part, une carrière de vedette de l’accordéon, sillonnant la France au gré des galas. On le remarquera au sein d’un quartette de swing manouche, en compagnie des guitaristes Patrick Saussois et Didier Roussin, ainsi que du défunt contrebassiste Pascal Chebel, aux « Bastille Days » de Milwaukee (Wisconsin) en 1984. Tous ces ignorés du swing ont en commun la particularité de n’avoir jamais, malgré leur talent incontestable en ce domaine, enregistré de disque de jazz dignes de ce nom. Certains, bien que confidentiellement, furent plus heureux, sans toutefois « faire exploser les bacs ».
Quelques traces de swing
Marginal et ne se réclamant de personne, Fernand Verstraete (1925-1992), réputé par sa technique foudroyante et son sens harmonique très développé, a surtout été connu comme trompettiste, en dépit d’un 33 tours mythique car introuvable à l’heure actuelle. Roger Etlens, quant à lui, gravera quelques faces chez Polydor dans les années quarante. Louis Corchia et Marcel Azzola sont, quant à eux, élèves de Marco Ferrero virtuose et professeur réputé qui, en 1942, s’était par ailleurs essayé au swing lors d’une séance chez Polydor en gravant « Je voudrais manger du swing » accompagné par l’Orchestre Rawson. Le premier, né en 1935, mène une carrière fructueuse dans la variété et n’a laissé qu’un 45 tours enregistré sous le nom de Lewis Corson, qui témoigne d’une belle veine improvisatrice dans le style middle jazz. Quant au seconde, né en 1927, ce n’est qu’en 1982 pour qu’il enregistrera un disque de jazz (avec Marc Fosset et Patrick Caratini), se retrouvant ainsi parmi les artisans du renouveau du jazz à l’accordéon.
La mort du swing (suivie de sa renaissance…)
La vague « yéyé » surgie d’outre-Atlantique avait sonné le glas de l’accordéon en général et de son « excroissance swing » en particulier. Il faudra attendre les années quatre-vingts pour que la bête se réveille, et que surgissent les jeunes loups du jazz moderne, tels que Richard Galliano, Françis Varis, Daniel Colin… mais nous sortons là du domaine du swing pour entrer dans celui du jazz moderne qui n’est pas notre propos dans cet article.
L’accordéon swing : le Retour
Cependant, certains jeunes accordéonistes nés dans les années quarante, cinquante et soixante sont restés attachés à un style proche de celui de la grande époque. Parmi eux, une femme Claudine Valadier, excellente « swingwoman », Gaston Michel, (né en 1948), dans le quartette du manouche Chela Weiss. D’autres, sous la double influence du « revival » de l’accordéon et de la musique manouche apparue à la fin des années quatre-vingt, se sont trouvé séduits par cette esthétique déjà bien oubliée, une bonne dizaine d’années avant leur naissance, tels que Jean-Claude Laudat du groupe « Swing Valse », François Parisi (né en 1962), que l’on peut apprécier dans les CD « Paris-Musette-Volumes 1 et 2 », Thierry Borne, réunionnais membre du collectif « La Soufflette », François Belleau (né en 1958) au côté du guitariste Patrick Saussois ou Jean-Luc Chanroux, adepte du clavier-piano, à la tête de son propre trio.
Du folk au swing.
Suite à cette sorte de « Django craze », évoquée plus haut, on constante qu’une partie grandissante des accordéonistes du monde de la musique trad. se risque, souvent avec bonheur, dans l’univers manouche. C’est la cas de Serge Desaunay passant de plus en plus du diatonique au chromatique pour « rabouiner » au sein de son « Cocktail swing » ou de Frédéric « Gazman » Lambierge qui « fait craquer les bois » à la fois de sa guitare manouche et de son diatonique trafiqué.
Sous le swing des manouches
On a vu que les guitaristes tziganes, Django Reinhardt en tête, étaient les grands responsables du passage du banjo à la guitare dans les bals musette. Devenus de ce fait, les tout premiers artisans de la rénovation du répertoire accordéon, ils surent inspirer tous les grands stylistes des années trente et quarante. Adeptes inconditionnels de cette fameuse guitare à pan coupé de modèle « Selmer », ils en firent leur instrument-roi. Peu d’entre-eux pratiquèrent d’autres instruments. Hormis Guérino, dont les origines tziganes restent toutefois contestées, et, plus tard les Fallons, aucun accordéoniste manouche n’émarge vraiment de cette première moitié du siècle. Il faut attendre les années soixante pour voir se profiler quelques individualités isolées. Citons Pipy et Laté Adel, qui n’ont malheureusement jamais enregistré, Knike Lagrène et Marcel Loeffler, tous deux de l’est de la France, et Fred Grünigel, de la « Tribu Grünigel ».
Coda (provisoire)
Après presque trente ans d’une immense popularité, l’accordéon swing tombera en désuétude pendant près de vingt ans. Depuis une dizaine d’années environ, il repointe le pli de son soufflet pour reprendre sa place au milieu des autres instruments de musique en faisant bien attention de ne pas gêner ses petits camarades. Touchons du bois… ou de la nacre, il apparaît qu’une nouvelle génération de musiciens de jazz aimerait l’accordéon sans arrière pensée : c’est bon swing !
Dider ROUSSIN - TRAD MAG
Effluves de jazz et bruits de paix
C’est à la toute fin de la Première Guerre Mondiale que les premières bouffées de cette nouvelle musique née dans les moiteurs louisianaises viennent flotter sous le ciel de Paris. Dès son apparition sur le continent américain, ce jazz avait donné naissance à une multitude de pas de danse parmi lesquels le fox-trot (trot du renard), appellation plus policée de Bunny Hug (étreinte du lapin) plus rarement employé, sans doute en raison de sa connotation plus directement sexuelle. Son arrivée dans notre beau pays lui vaudra d’ailleurs, dans un premier temps, de gagner, à l’écrit, un « t » supplémentaire disparu sur les étiquettes de 78 tours de la décennie suivante. Dans son bel ouvrage « Les bals de Paris », André Warnod, flâneur, écrivain et chroniqueur le décrit ainsi : « Il y a de la marche triomphale, de la charge à la baïonnette et du combat de boxe dans un fox-trott bien enlevé ! » A cette époque, riche d’une nouvelle musique née au tournant du siècle d’entre les plis de son soufflet, le musette, l’accordéon est bien implanté dans les quartiers populaires. Agé de près de quatre-vingt-dix ans et pourtant loin d’être au faîte de sa gloire, il a déjà produit ses grandes stars (Emile Vacher, les frères Péguri, Casimir Coïa, Guérino…) mais il faudra attendre le début des années vingt pour que cette première vague de « musique sauvage » en provenance des U.S.A. fasse ouvrir aux « laborieux du dépliant » une oreille d’abord curieuse, puis enfin intéressée.
La Préhistoire ou quand swinguent les lames de Cro-Magnon
L’industrie du disque naissante s’étant très vite mise au service de la mode, les grands créateurs du musette, inféodés aux labels Pathé, Idéal, Perfectaphone, durent enregistrer des fox-trot à tour de bras. Ainsi, les Péguri, Vacher et quelques autres, en gravèrent avec plus ou moins de bonheur. Ce fut, en fait, avec les deux plus grandes vedettes « médiatiques » de l’époque, Maurice Alexander et Fredo Gardoni, que le fox-trot connut sa plus grande popularité. Nés respectivement en 1898 et 1900, ces deux accordéonistes étaient loin, tant s’en faut, s’être des monstres de swing. Ils surent cependant se choisir des accompagnateurs dotés d’une solide formation musicale, et dont les oreilles avaient, de toute évidence, traîné du côté des dancings et des boîtes de nuit où les sons discordants du jazz-band faisaient la conquête d’un public grandissant. Un certain « Jiungo Renard » (Django Reinhardt) gravera ainsi deux titres au banjo derrière Alexander, pour la firme Henry en 1928. La même année, on le retrouve sur dix titres derrière Marceau et quatre au côté de Vaissade. Virtuoses, ces deux grands accordéonistes ne maîtrisèrent pas plus que les autres ce swing mystérieux. Ni Jean Vaissade (1911-1979), qui restera toute sa vie fidèle au répertoire du bal musette, ni Marceau Verschueren, alias V. Marceau (1902-1990) qui, pourtant, jouait des ragtimes et des cake-walk, ayant très tôt écouté les premiers disques de fox-novelty (succédané populaire du ragtime), des premiers grands accordéonistes américains comme Pietro Frosini, les frères Pietro et Guido Deiro. Quelques autres, toutefois, parvinrent à balancer d’assez jolie façon tel Albert Carrara (1903-1968), notamment dans « Je ne saurai jamais dire ça » accompagné par le banjoïste Roger Chaput, futur guitariste du Quintette du Hot Club de France, ou Georges Sellers, au sein de l’orchestre d’Eudore Rancurel dans « Accordéon Marmelade ».
Les pionniers ou la « Ruée vers l’Hot »
Il faut attendre les années 1930 pour voir apparaître les premiers accordéonistes swinguants. Curieusement, ceux-ci ne vont pas forger leur style sur le modèle américain, ignorant complètement qu’il puisse même y avoir des accordéonistes de jazz Outre-Atlantique, mais vont donc développer un type spécifique de « Swing à la Française » qu’on pourra qualifier de jazz-musette. Les premiers à jouer « hot », comme on disait alors, seront Raymond Marquet, dont on ne connaît aucun enregistrement à ce jour, et Jean Salimbeni, dit « Jean le Boutonneux », dont on peut saisir, bien que très brièvement, le sens certain du swing dans « Si j’aime Suzy » et « Hot Accordéon ». Ils ouvraient la voie aux grands accordéonistes de swing qui allaient marquer les décennies suivantes.
Louis Richardet : du soufflet à la gachette
Né en 1911, ayant débuté par l’apprentissage du piano classique, il se tournera définitivement vers le jazz et la variété quelques neuf ans plus tard. Pionnier du Swing français, s’exprimant dans un style inspiré d’Earl Hines, ce sera en même temps le premier pianiste parisien à se produire avec les Cubains et les Antillais, (sous le pseudonyme de Louis de Riquez). Tombant par hasard sur un accordéon à clavier piano, lors d’un remplacement, il s’y initie en autodidacte, s’inspirant des disques des vedettes du moment. Dès 1932, il forme un quintette swing. En 1935, il grave trois titres, « Strange Harmony », « Sérénade » et « Double Trouble », au côté du violoniste de jazz Michel Warlop. Il y dispense un swing tranquille, se montrant néanmoins fort inspiré et prodiguant un phrasé décontracté « à l’américaine ». Il continuera à enregistrer pour les firmes Brunswick, Polydor, Swing et Decca jusqu’au début de la Seconde Guerre Mondiale qui mettra fin à sa carrière musicale. Désabusé, il quittera progressivement le métier pour se consacrer à des activités sportives et journalistiques. Promoteur du Ball-trap en France, il en sera longtemps un des arbitres internationaux et s’éteindra en 1988.
Charley Bazin : Corde et lame
Né en 1912, René « Charley » Bazin (« d’Arcachon », titre de noblesse que son ami Jo Privat aime à lui donner) démarre très jeune sur un modèle diatonique puis passe au chromatique, s’initie à la guitare, à la trompette et finalement entre au Conservatoire de Nice. Il en sortira pour mener une double carrière d’accordéoniste et de guitariste. Ayant commencé le métier dès 1928, il écumera les bals musette de Paris et sa banlieue ainsi que nombre de cabarets et dancings. Il travaillera un temps au sein de grands orchestres de variété, tels ceux de Ray Ventura, Raymond Legrand ou Jacques Hélian. En 1935, il monte un quartette swing et se produit dans les boîtes de nuit. En 1950, sorti vainqueur du tournoi radiophonique « Swing contre musette », il acquiert une audience plus médiatique et entame une seconde carrière, animant galas et soirées dansantes dans toute la France. Marginal ayant longtemps refusé d’enregistrer les tubes de l’époque, sa discographie est sensiblement réduite par rapport à celle des autres accordéonistes de sa génération. Subtil improvisateur et arrangeur de grand talent, son style rageur et inspiré est à rapprocher de celui de son cadet Gus Viseur.
Gus Viseur : les anches du swing
Belge par son père, marinier et accordéoniste amateur, Gustave, Joseph « Gus » Viseur, dit « Tatave » est assurément le plus virtuose des accordéonistes du swing français. Dès sa sixième année, il fait l’apprentissage de l’instrument. Très vite il fait la manche sur les marchés de la banlieue parisienne, puis se produit dans les cafés de Ménilmontant et entre enfin au bal musette. Il débute sa carrière discographique en 1935 tenant le second accordéon dans l’orchestre de « Médard Ferrero & ses Clochards ». En 1937, il enregistre ses deux premiers standards de jazz : « Some of these days » et « Dinah » pour la marque Pagode. C’est le début d’une longue série de disques de swing sous les labels les plus divers : Pathé, Columbia, Swing, Polydor, La Voix de son Maître, Decca, Pacific, Ducretet-Thomson, Barclay, Vogue, etc… Avec ses amis Murena et Privat, il sera un des grands créateurs de la valse swing. On lui doit : « Flambées montalbanaises » et « Swing valse ». Gus Viseur élève l’accordéon-swing à son plus haut niveau. Il est à l’accordéon ce que Django Reinhardt est à la guitare.
Tony Murena (1916-1970) : la passion du swing
Né en Italie, le petit Antonio viendra très tôt à Paris. Exceptionnellement doué, il n’a que neuf ans lorsqu’il commence à se produire en public. Bientôt, de bals musette en cabarets et casinos, il se taille une solide réputation de swingman. Dès 1939, il enregistre pour a firme Odéon. Plus que les standards, il jouera des swings de sa composition, tels « Kiwi », « Etude swing », « Ciro’s », « Pré Catelan », etc… Paradoxalement, la couleur dominante de ses enregistrements tient davantage que ceux de ses collègues, du swing américain, notamment par l’emploi du piano et de la clarinette qui le rapprochent de l’univers d’un Benny Goodman, alors très en vogue en Europe. Improvisateur inspiré, son jeu reste plus aéré que celui de Viseur.
Jo Privat : lame tzigane
Benjamin du lot, Georges Privat est né en 1919 en plein quartier de Ménilmontant. Gosse de la rue et grand argotier devant l’éternel, celui que l’on appellera désormais « Jo », deviendra, au-delà de sa musique, un personnage haut en couleur et une figure emblématique du monde du bal musette, des mauvais garçons et des truands de haute volée qui composent une grande partie de sa clientèle. Compositeur du célèbre Balajo, du nom du bal où il restera près de cinquante années consécutives, il écrira certaines des plus belles valses manouches. Elles auront pour titre « Mystérieuse », « Rêve bohémien », « Sa préférée », « Brise sablaise », « Impression gitane », etc…Swingman accompli, plus que les autres il puisera son inspiration dans le terreau tzigane. Amoureux du couple accordéon/guitare, cette formule fera chez lui figure de symbole. Amis de guitaristes manouches, il les emploiera presque tous. Toujours en activité, il se produit et enregistre encore abondamment, tant dans le domaine du swing que celui du musette et de la variété.
La swing (suite)
A l’aube de la seconde guerre mondiale, alors que Bazin, Viseur, Murena et Privat sont les maîtres incontestés de l’accordéon swing, les émules apparaissent. Né en 1915, Emile Carrara, dit « Milo », fait son premier bal à neuf ans. A partir de 1941, il grave de nombreux swings pour la firme Pathé. Ce n’est pourtant pas là, malgré tout, qu’il donne le meilleur de lui-même, plus à l’aise dans un répertoire traditionnel de valse musette à couleur manouche telle que « Volubilis », une de ses plus belles compositions, ou encore dans « Mon amant de St Jean » qu’il a si joliment popularisé. Ayant joué dans nombre de bals, cabarets, dancings et brasseries, il s’éteindra en 1973.
Les ignorés du swing
Né en 1923, Georges Dalibon, alias Géo Daly, fera swinguer son accordéon jusqu’en 1946, date à laquelle il deviendra le grand vibraphoniste que l’on sait. Charles Verstraete, né en 1924, est plus connu à l’heure actuelle comme tromboniste au sein des orchestres de jazz et de variété. Pourtant, en 1945, on pouvait l’apprécier à la tête d’un quartette « à la Viseur » s’y exprimant avec fougue et imagination. Né en 1924, lui aussi, au sein d’une famille de musiciens itinérants, le tzigane Tony Fallone, de même que son cousin Tieno, sera parmi les rares accordéonistes d’une ethnie dont les membres ont préféré de tout temps le violon et la guitare. Le premier est actuellement directeur d’une école d’accordéon en Bourgogne, tandis que l’on perd la trace du second après un disque supposé en compagnie du guitariste Tchan-Tchou. Restent les plus obscurs, tels Jean Fréber, né en 1918, qui mena une bonne partie de sa carrière dans l’orchestre de Bernard Hilda, et dont on saura apprécier la fougue dans certains de ses très rares enregistrements, et Pierre Thiébat qui dirigeait un bon orchestre swing en 1941.
Tous ces défricheurs de la jungle des anches de la syncopation firent école et nombre d’accordéonistes des générations suivantes n’allaient pas manquer (ô combien !) de s’en inspirer. Le jazz américain est à présent plus solidement implanté et les disques circulent plus facilement. Les nouveaux jazzmen de l’instrument s’en imprègnent d’autant plus que les enregistrements d’accordéonistes américains tels ceux de Joe Mooney, Art Vandamme, Charlie Magnante, et d’autres encore ont commencé à circuler. Hormis Marcel Fréber, né en 1926 et frère cadet de Jean qui, évoluant dans le circuit des cabarets tziganes, s’est toujours exprimé dans le plus pur style swing hérité de Gus Viseur, les nouveaux venus mâtinent leurs chorus d’une touche toujours plus grande de modernité.
Jean-Pierre Coustillas, né en 1927, fera une carrière on ne peut plus discrète tant à l’accordéon qu’à la contrebasse et au bandonéon. Notamment dans l’orchestre de gala de Marcel Azzola. Né en 1929, Jean Cortinovis, alias Jean Corti, surnommé « Nany », suivra un chemin aussi discret, accompagnant toutefois le grand Jacques Brel durant près de sept années. Armand Lassagne, né en 1934, travaillera au sein d’orchestres de variété, tel celui de Raymond Legrand, puis accompagnera les vedettes de la chanson des années cinquante et soixante.
Jo Maurage, né en 1931, se dit à la fois influencé par Viseur et Murena, tandis que Tony Jacques, Jacques Faivre de son vrai nom, se réclame de Privat, qu’il aura souvent l’occasion de remplacer. Reste quelques marginaux comme Marc Favot, mort en 1992, jouant swing et musette dans les bars et les cafés proches du marché aux Puces, et entrevu dans un festival Django Reinhardt à Samois, en 1983. Raymond Siozade, compte de Vergerac (1930-1986) mènera, pour sa part, une carrière de vedette de l’accordéon, sillonnant la France au gré des galas. On le remarquera au sein d’un quartette de swing manouche, en compagnie des guitaristes Patrick Saussois et Didier Roussin, ainsi que du défunt contrebassiste Pascal Chebel, aux « Bastille Days » de Milwaukee (Wisconsin) en 1984. Tous ces ignorés du swing ont en commun la particularité de n’avoir jamais, malgré leur talent incontestable en ce domaine, enregistré de disque de jazz dignes de ce nom. Certains, bien que confidentiellement, furent plus heureux, sans toutefois « faire exploser les bacs ».
Quelques traces de swing
Marginal et ne se réclamant de personne, Fernand Verstraete (1925-1992), réputé par sa technique foudroyante et son sens harmonique très développé, a surtout été connu comme trompettiste, en dépit d’un 33 tours mythique car introuvable à l’heure actuelle. Roger Etlens, quant à lui, gravera quelques faces chez Polydor dans les années quarante. Louis Corchia et Marcel Azzola sont, quant à eux, élèves de Marco Ferrero virtuose et professeur réputé qui, en 1942, s’était par ailleurs essayé au swing lors d’une séance chez Polydor en gravant « Je voudrais manger du swing » accompagné par l’Orchestre Rawson. Le premier, né en 1935, mène une carrière fructueuse dans la variété et n’a laissé qu’un 45 tours enregistré sous le nom de Lewis Corson, qui témoigne d’une belle veine improvisatrice dans le style middle jazz. Quant au seconde, né en 1927, ce n’est qu’en 1982 pour qu’il enregistrera un disque de jazz (avec Marc Fosset et Patrick Caratini), se retrouvant ainsi parmi les artisans du renouveau du jazz à l’accordéon.
La mort du swing (suivie de sa renaissance…)
La vague « yéyé » surgie d’outre-Atlantique avait sonné le glas de l’accordéon en général et de son « excroissance swing » en particulier. Il faudra attendre les années quatre-vingts pour que la bête se réveille, et que surgissent les jeunes loups du jazz moderne, tels que Richard Galliano, Françis Varis, Daniel Colin… mais nous sortons là du domaine du swing pour entrer dans celui du jazz moderne qui n’est pas notre propos dans cet article.
L’accordéon swing : le Retour
Cependant, certains jeunes accordéonistes nés dans les années quarante, cinquante et soixante sont restés attachés à un style proche de celui de la grande époque. Parmi eux, une femme Claudine Valadier, excellente « swingwoman », Gaston Michel, (né en 1948), dans le quartette du manouche Chela Weiss. D’autres, sous la double influence du « revival » de l’accordéon et de la musique manouche apparue à la fin des années quatre-vingt, se sont trouvé séduits par cette esthétique déjà bien oubliée, une bonne dizaine d’années avant leur naissance, tels que Jean-Claude Laudat du groupe « Swing Valse », François Parisi (né en 1962), que l’on peut apprécier dans les CD « Paris-Musette-Volumes 1 et 2 », Thierry Borne, réunionnais membre du collectif « La Soufflette », François Belleau (né en 1958) au côté du guitariste Patrick Saussois ou Jean-Luc Chanroux, adepte du clavier-piano, à la tête de son propre trio.
Du folk au swing.
Suite à cette sorte de « Django craze », évoquée plus haut, on constante qu’une partie grandissante des accordéonistes du monde de la musique trad. se risque, souvent avec bonheur, dans l’univers manouche. C’est la cas de Serge Desaunay passant de plus en plus du diatonique au chromatique pour « rabouiner » au sein de son « Cocktail swing » ou de Frédéric « Gazman » Lambierge qui « fait craquer les bois » à la fois de sa guitare manouche et de son diatonique trafiqué.
Sous le swing des manouches
On a vu que les guitaristes tziganes, Django Reinhardt en tête, étaient les grands responsables du passage du banjo à la guitare dans les bals musette. Devenus de ce fait, les tout premiers artisans de la rénovation du répertoire accordéon, ils surent inspirer tous les grands stylistes des années trente et quarante. Adeptes inconditionnels de cette fameuse guitare à pan coupé de modèle « Selmer », ils en firent leur instrument-roi. Peu d’entre-eux pratiquèrent d’autres instruments. Hormis Guérino, dont les origines tziganes restent toutefois contestées, et, plus tard les Fallons, aucun accordéoniste manouche n’émarge vraiment de cette première moitié du siècle. Il faut attendre les années soixante pour voir se profiler quelques individualités isolées. Citons Pipy et Laté Adel, qui n’ont malheureusement jamais enregistré, Knike Lagrène et Marcel Loeffler, tous deux de l’est de la France, et Fred Grünigel, de la « Tribu Grünigel ».
Coda (provisoire)
Après presque trente ans d’une immense popularité, l’accordéon swing tombera en désuétude pendant près de vingt ans. Depuis une dizaine d’années environ, il repointe le pli de son soufflet pour reprendre sa place au milieu des autres instruments de musique en faisant bien attention de ne pas gêner ses petits camarades. Touchons du bois… ou de la nacre, il apparaît qu’une nouvelle génération de musiciens de jazz aimerait l’accordéon sans arrière pensée : c’est bon swing !
Dider ROUSSIN - TRAD MAG
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