« Je suis allé, avant l’ouragan Katrina, dans le quartier de Treme (ou Tremé, de toutes façons, prononcez Twemay), du nom de Claude Tremé, promoteur immobilier du XVIIIème siècle. Pour y entendre une trumpets’ battle entre Kermit Ruffins, John Mayfield et Kid Chocolate. C’était un quartier dangereux de la Nouvelle-Orléans et on ne pouvait y aller et en revenir qu’en taxi. Mais quelle pépinière de jazzmen ! Parmi eux, le Brass Band de Tremé, comme le Funky 7, le ReBirth, le Chosen Few, le Dirty Dozen, animait et continue d’animer les innombrables parades, qui servent également d’écoles musicales, de la vie néo-orléanaise. L’ouragan Katrina a été une catastrophe majeure pour la ville et notamment pour ce quartier à majorité pauvre et noire (1836 morts, dont le père de John Mayfield, un million de personnes déplacées dont beaucoup ne reviendront pas à New Orleans). Le Tremé Brass Band est un des organisateurs de la reconstruction. A sa tête, il y a le fondateur, Benny Jones Sr, au tambour. Derrière lui, il y avait Lionel Batiste, qui nous a quittés à 81 ans, qui jouait de la grosse caisse (on l’entend chanter le Back of Town Blues de Louis Armstrong). Ils sont neuf sur ce CD, dont trois autres vocalistes. D’abord, le trompettiste Kenneth Terry (« Rascal You » et « Darktown Strutter’s Ball ») et le tromboniste Eddie « Boh » Paris (« All of Me » et « A Monday Date » », très armstronguiens et qui se retrouvent pour finir le CD sur l’inévitable «When the Saints » en medley avec « Mama don’t Allow ». Et puis, en invité, et pour ouvrir le CD, Henry Youbgblood qui chante le succès du Tremé Brass Band, le titre éponyme, « I Got a Big Fat Woman ». Tuba, second trombone, saxes soprano et ténor sont les quatre autres, talentueux, membres de cette formation dont la tension-décontraction, l’enthousiasme, l’écoute mutuelle (ils ont enregistré en studio, mais sans casque), l’improvisation subtile sont les atouts principaux. Ceux qui ont fait naître et se développer le jazz. Car le jazz s’apprend en jouant avec les autres, ce que semble avoir oublié bien des « jazzmen » chez nous. Ce que ce CD nous rappelle et qui s’appelle le swing. »
Par Michel BEDIN – ON MAG
Par Michel BEDIN – ON MAG