« La force savoureuse » par Le Républicain Lorrain

En commercialisant un coffret de quatre CD (Radio France / INA) intitulé Jacques Prévert, 100 ans, c’est un hommage à notre poète que rend l’éditeur musical Frémeaux & Associés. Un hommage quadruple sous-tendu par l’enfance, l’amour, la liberté. Autant de thèmes récurrents chers à ce touche-à-tout des arts populaires. « La poésie de Prévert ressemble à un jeu de massacre qui frappe par la cadence et la justesse du tir. Mais parfois la balle qui fait mouche dessine sur le cœur une étoile. Le poème le plus dur est doublé de tendresse, une tendresse qui s’avoue de la façon la plus simple lorsque Prévert caresse la joue des enfants pauvres dans la poussière d’Aubervilliers », évoque Klébert Haedens dans son Histoire de la littérature française (Gallimard). Faisant fi de toute incantation, Prévert a privilégié l’action vive et intelligente au service de la sensibilité et, parallèlement, la force savoureuse. 23 ans après sa mort, ses textes restent d’une actualité troublante. On y croise la misère et l’injustice, l’arrogance de « ceux qui croient croire », la douleur des opprimés. Textes d’amour : amour de l’autre, amour des autres, amour d’une vie qui pourrait être meilleure. A l’instar de ce extrait de Paroles, le cancre : Et malgré les menaces du maître sous les huées des enfants prodiges avec les craies de toutes les couleurs sur le tableau noir du malheur il dessine le visage du bonheur. Ses recueils de poèmes battent toujours les records de vente ; ses aphorismes sont entrés dans la parole quotidienne. Aurait-on tous quelque chose de Jacques Prévert ? Clémentine Célarié, Arletty, Pierre Brasseur, Marlène Jobert, Micheline Dax, Jean Guidoni, Catherine Sauvage, Juliette Gréco, Cora Vaucaire, Les Frères Jacques (liste non exhaustive) et bien entendu « l’aristocrate de la rue » disent et chantent les passions, les phobies irréductibles du chantre de la liberté et de la fantaisie la plus débridée.
Gérard OESTREICHER – LE RÉPUBLICAIN LORRAIN