Philosophie Magazine : Par rapport à cette longue tradition, la psychanalyse freudienne correspond-elle à un dévoiement de l’idéal antique du « Connais-toi toi même » ?
Michel Onfray : Je ne parlerai pas de dévoiement, mais de relookage de vieille méthodes. Dans ce long lignage qui va du chamanisme préhistorique au Divan de Freud en passant par la consultation d’Antiphon, chacun donne une forme à cette médecine de l’âme par la parole. On a peu dit combien Freud avait hérité, lu sans citer, emprunté en taisant ses sources, pillé Pierre Janet et postdaté les textes du chercheur français pour en faire un voleur alors qu’il l’avait volé. Nous sommes aveuglés par la légende d’un homme qui aurait tout découvert par lui-même par la seule grâce d’une auto-analyse – une légende rédigée par Freud lui-même et reprise par son hagiographe Ernest Jones dans la biographie princeps dans laquelle piochent ceux qui se présentent comme des historiens de la psychanalyse… Freud a refusé avec une étrange ardeur de dire combien les philosophies de Schopenhauer, Nietzsche et Hartmann jouent un rôle majeur dans la constitution de sa prétendue science. Il a même eu recours à un concept qui fait sourire, la cryptomnésie, pour cacher chez lui tout forfait d’un vol de concept. Si Freud oublie de renvoyer à sa source, c’est que son inconscient a enfoui l’information ; mais le prétendu père de la psychanalyse ne se demande pas pourquoi ce refoulement. Freud ne devoie pas l’idéal antique du « Connais-toi toi même », il l’habille avec des guenilles philosophico-scientifiques de son temps. Extrait d'un entretien avec Michel ONFRAY.
Propos recueillis par Martin DURU © Philosophie Magazine