Dès les premières lignes des notes du livret dont il est l’auteur, Gérard Herzhaft révèle que Memphis Slim est « aujourd’hui quelques peu oublié au panthéon des bluesmen ». Cette anthologie magistrale de trois CDs rend donc justice à un artiste pourtant essentiel qui a vécu ses vingt-six dernières années à Paris (1962-1988), et s’articule autour de ses trois périodes les plus riches artistiquement. La première (1940-51) évoque les débuts et le Bluebird Sound (du nom de label de Lester Melrose), ce son alors si nouveau avec les premiers groupes d’un blues de Chicago qui s’urbanise rapidement. Slim apparaît entre autres aux côtés de très prolifique Washboard Sam (quatre titres dont l’irrésistible Diggin’ my patatoes en ouverture), mais ce sont les saxophonistes, dont ici Alex Atkins et Ernest Cotton, qui vont donner à sa musique sa couleur et sa saveur caractéristiques. Si le jeu de piano du maître est déjà parfaitement en place, sa voix (et Memphis Slim est un très beau chanteur, il faut le rappeler) exprime vraiment son caractère et son émotion à partir de la seconde moitié des années 1940, voir seulement Nobody loves me (le futur Everyday I have the blues !) et Angel child… Sommet absolu, le deuxième CD (1952-1959) le voit probablement à l’apogée de son art, toujours soutenu par d’impeccables formations cuivrées mais également par un jeune guitariste époustouflant, Matt « Guitar » Murphy. Quant au troisième disque, il reste de très haut niveau mais ne porte que sur les années 1960-1961, avec les premières sessions en Europe et des accompagnateurs cette fois issus de différentes écoles et parfois inattendus, comme Alexis Korner et Muddy Waters aux guitares ou Buster Brown à l’harmonica. Sans doute la meilleure sélection actuellement disponible concernant Memphis Slim. Daniel LEON – SOUL BAG