Deux ans plus tard, après avoir quitté le quintette de Miles Davis à la fin de la mémorable tournée européenne du printemps 1960, ce fut cette fois à la tête de son propre groupe que le si passionnément controversé John Coltrane revint jouer à l’Olympia, le 17 novembre 1962. « Bonsoir mesdames et messieurs. Pour le concert ce soir nous avons la formation de John Coltrane. Mais avant que nous commencons ce concert, je voudrais annoncer la prochaine concert pour la saison, le 19 janvier c’est le trio de Sonny Rollins, [applaudissements nourris.] Et maintenant je voudrais présenter les musiciens. A la batterie, c’est Elvin Jones. A la contrebasse, Jimmy Garrison. Et au piano McCoy Tyner. [Vainqueur de l’applaudimètre.] Et maintenant, dans le monde du jazz, le premier saxophoniste, John Coltrane. » [Hourras francs et massifs, aucun sifflet.] : le CD fraîchement publié par la bonne maison Frémeaux & Associés, « 17 novembre 1962 – live in Paris », commence par la présentation du grand organisateur de concert Norma Granz, qui faisait l’effort de parler dans la langue de Molière. Quelques secondes plus tard, McCoy Tyner se mettait à improviser dans celle du jazz selon Coltrane, après que celui-ci eut joué le thème de « Mr. P.C ». (…) Mais n’ayant pas le mot de passe pour accéder à la banque de sons du cerveau de l’ami Anquetil, réjouissons-nous donc de la parution de ce CD, qui complète « The Paris Concert » (issu de la même soirée) paru en 1979 sur Pablo Records, le label de Norman Granz. Basé comme les précédents disques de cette soirée sur des enregistrements réalisés par et pour Europe N°1 (comme on disait en 1962) et produits par Norman Granz, Daniel Filipacchi et Franck Ténot, ce concert eut un tel retentissement que dans son n°90 de janvier 1963, « Jazz Magazine » lui consacra un article mémorable intitulé « La nuit des magiciens » : « Dans la soirée du dix-sept novembre, John Coltrane a tiré un envoutant feu d’artifice dont Elvin Jones attisa les flammes avec un entêtement diabolique. Tristan Renaud, Jean-Robert Masson et Jacques Bens ont été les témoins de cette nuit fascinante au cours de laquelle l’art se confondit avec la magie », disait le chapeau. Nul doute que votre mensuel préféré rééditera bientôt ces huit pages qui en disaient long sur le génie coltranien. En attendant, on se replongera dans les folles improvisations de John Coltrane et l’on goûtera le swing implacable de ses partenaires, quartette historique dont la magie – il n’y a effectivement pas d’autre mot – est évidemment intacte.
Par Etienne DORSAY – JAZZ MAGAZINE
Par Etienne DORSAY – JAZZ MAGAZINE