« La Section Rythmique est comme un éducateur de bon sens : elle nous enseigne la joie de vivre façon « New Orleans » sans perdre des yeux les enjeux esthétiques du jazz contemporain. Une démarche vue et revue me dira-t-on (Wynton Marsalis ne démentirait pas), sauf que le trio a habilement su s’affranchir des traditions de Nola sans leur tourner le dos, sans en dévoyer ni l’énergie, ni la sensibilité. Car si les rythmes cajuns sont connus pour groover particulièrement, ils souffrent de n’être pratiquement joués que par des louisianais purs souches. A croire que le savoir-faire « New Orleans » n’est pas capable de franchir les frontières de la nativité… Pour autant, n’est-il pas sans rappeler le fort héritage colonial français dont est marqué le berceau du jazz ? Oui, le trio est composé d’un Français (le batteur Guillaume Nouaux) et de deux Australiens (le guitariste David Blenkhorn et le contrebassiste Sébastien Girardot), mais croyez-moi, ils savent comment dépoussiérer un standard de Nola sans offusquer les amateurs de dixieland. Ils ne font, non plus, pas fuir les be-boppers, tant les influences feutrées de Blenkhorn (Grant Green, Wes Montgomery…) semblent faire la paire avec la beauté du paysage louisianais. Alors que Guillaume Nouaux enchaine les roulements cajuns dans la tradition des New Orleans Brass, et qu’en réponse Sébastien Girardot fait expressément claquer les cordes de sa contrebasse, le guitariste s’attelle à conférer un idiome bop/blues aux titres l’album. L’idée est de faire swinger (ou de donner le blues suivant le thème choisi) dans cet esprit traditionnel de Nola, tout en conservant la caresse mélodique du jazz moderne (démarche qu’on pourra rapprocher de celle de Henry Butler, Steven Bernstein & The Hot 9 qui mêlent dixieland et jazz « made in New York »). On préfèrera ainsi l’efficacité rythmique et la mise en relief de la culture néo-orléanaise (non sans virtuosité, rassurez-vous) aux prouesses techniques du post-bop. A une heure où la place est faîte à toujours plus d’avant-gardisme et d’expérimentations stériles, La Section Rythmique sonne le gong du tempo bien calé. Non loin de s’adonner à un bayou-funk que les Meters ou Dr. John ne renieraient pas, le trio nous apprend à apprécier chaque moment comme le dernier. Le deuxième morceau témoigne en lui-même du sens de la vie : à partir du thème mortuaire « Just a Closer Walk with Thee » (l’un des gospels les plus exécutés lors des jazz funerals de La Nouvelle-Orléans), La Section Rythmique en tire une version survitaminée, plus proche d’une séance de bronzette à Tahiti que d’un enterrement ! »
Par Alexandre LEMAIRE - DJAM
Par Alexandre LEMAIRE - DJAM