«La suavité cache parfois des réflexions plus profondes » par Jazz Magazine

On savait bien qu’eddy Louiss était fils d’un musicien emblématique de la Martinique, mais peu en fait avaient eu l’occasion d’entendre ce père, Pierre Louiss. Deux plages, enregistrées avec le tromboniste Al Lirvat avaient été incluses dans l’anthoplogie « Antilles Jazz » publiée chez EMI, le reste de sa production phonographique demeurait indisponible. Avec ce disque composé d’enregistrements réalisés en France ou par Pierre Louiss lui-même dans le petit studio qu’il s’était aménagé près de Schoelcher après son retour en Martinique, on peut enfin découvrir un artiste sensible, caustique, poète tendre et chef d’orchestre plein d’entrain. Pierre Louis appartenait à une génération de musiciens antillais pour qui la musique était indissociable du jazz. Celui-ci enrichissait les soubassements  rythmiques caraïbes, il donnait du souffle à la chanson française, de sorte que les genres importaient peu : les textes swingaient, les histoires étaient mélodieuses, les musiques incitaient à la danse. Guitariste, trompettiste, chanteur, auteur, compositeur, Pierre Louiss fut l’un des plus vivants animateurs de cette vague antillaise qui fit onduler la capitale et les casinos estivaux, alternant chansons, airs « typiques » (comme on disait alors) et morceaux de jazz. On retrouve à l’enregistrement cette dilection pour une variété ouverte, pour une façon de voir et de dire le monde hors de toute méchanceté et d’une voix dont la suavité cache parfois des réflexions plus profondes et sous laquelle le clavier d’Eddy vient presque toujours rappeler que le jazz fondateur en serait aussi le prolongement.
Denis-Constant MARTIN – JAZZ MAGAZINE