« La vitalité de la musique malgache » par Le Monde de la Musique

Ni collectage, ni production de nouvelle chanson malgache, cette compilation de l’ethnomusicologue Henri Lecomte rassemble vingt-neuf 78 tours enregistrés à Madagascar en 1929 et 1930 pour Columbia, Odéon et Gramophone. La vitalité de la musique malgache ne date pas de la world music. Elle fut constamment dynamisée par le métissage permanent des populations venues des Afriques, d’Indonésie et, à partir du XVIe siècle, de l’Europe. Au royaume de la valiha (cithare tubulaire) dont le livret décline les différentes variantes régionales, la vièle traditionnelle (lokanga) fut concurrencée – contre l’avis des missionnaires qui voyaient là l’instrument du diable – par le lokanga bazaha (lokanga étranger), autrement dit le violon, qui se généralise aux XIXe siècle. Les formations qui ont fait l’objet des présents enregistrements sont constituées tantôt d’une ou deux valihas, tantôt d’un ou deux violons, tantôt d’un concertina, d’un chœur mixte polyphonique avec ou sans soliste, éventuellement de percussions. La formation du compositeur et chef d’orchestre de formation classique Andrianary Ratianarivo (1895-1949) fait généralement la part belle aux instruments occidentaux (violons, piano, saxophones).
Les neuf derniers enregistrements furent réalisés en 1930 par la mission Clérisse et publiées en édition limitée en 1946 par le Musée de l’homme. On peut regretter que le livret fasse l’économie d’un commentaire plus approfondi de ces faces où s’estompe l’influence occidentale. Les informations les concernant étaient-elles insuffisantes ? A la lueur du travail réalisé depuis autour de Madagascar, il y avait lieu de nous dire plus sur ces collectages en pays skalava (côté occidentale), tsimihety (centre nord), betsileo (centre) et dans l’île d’Anjouan (Comores). Qu’on ne se laisse pas décourager par l’origine 78 tours : la qualité de transfert contribue à la grande actualité de ces faces envoûtantes.        
Franck BERGEROT – LE MONDE DE LA MUSIQUE