« De 1969 jusqu’à sa disparition en 1974, Hugues Panassié, émérite spécialiste français du jazz américain, explora avec son fils Louis les tréfonds de ces musiques sur leurs terres originelles. Outre le film “L’Aventure du Jazz”, ils y recueillirent une brochette d’enregistrements mémorables (…). Désormais confié pour préservation et numérisation à Frémeaux & Associés, ce catalogue propose à nouveau quelques perles, dont celle-ci ne s’avère pas des moindres. Organisée par Panassié mi-juillet 74 à New-York, voici le fruit de la rencontre cordiale entre deux générations de guitaristes majeurs est proposé sur cet album, “Guitar Odyssey”. Né en 1917, Al Casey se fit largement connaître dès 1934 aux côtés du légendaire Fats Waller, mais aussi de Louis Armstrong, Coleman Hawkins, Art Tatum, Eddie ‘Lockjaw’ Davis et Billie Holiday, avant de se joindre à rien moins que King Curtis dans les sixties. Quant à Billy Butler (frère de Jerry “Duke Of Earl” Butler), c’est auprès des organistes Bill Doggett et Jimmy Smith (ainsi que du saxophoniste Sonny Stitt, puis au sein même des orchestres de James Brown et King Curtis – à son tour – sans omettre Freddie King, John Hammond Jr, Johnny Hodges et Dizzy Gillespie), qu’il accéda à la reconnaissance de ses pairs. Avec le soutien aussi subtil qu’efficace du styliste des balais et baguettes Jackie Williams, nos deux complices impromptus captèrent en deux sessions consécutives et décontractées les 11 plages proposées sur ce “Guitar Odyssey”. Se répartissant alternativement accompagnement rythmique et soli, les styles des deux compères (seulement distants en âge d’une petite dizaine d’années) sont aisément distincts. Tout d’abord par le simple effet de la stéréo: Casey est audible sur le canal gauche, et Butler sur celui de droite. Mais surtout, ce dernier assume plus aussi ouvertement son héritage blues (notamment sur leur version commune “Saint-Louis Blues”), tandis qu’Al affirme un éclectisme davantage ancré dans le jazz (notamment celui de Django Reinhardt, comme en attestent les deux prises de “Who”). C’est sur les titres les plus longs (“Ghost Of A Dance”, ou encore “Al & Billy Blues” et l’inédit “… Fast Blues”) que ce dialogue se révèle le plus fructueux. Pour le reste, nos amis se régalent manifestement à improviser sur des standards tels que “Mack The Knife”, “Take The ‘A’ Train” ou “Tea For Two”… 45 ans plus tard, ce plaisir se communique encore à l’auditeur. »
Par Patrick DALLONGEVILLE – PARIS MOVE
Par Patrick DALLONGEVILLE – PARIS MOVE